La SCEA Denieul, un élevage porcin à Piacé (Sarthe) vient de recruter Maxime Camé, vingt ans. Passé en apprentissage dans d’autres élevages, Maxime intègre ainsi le parcours des Compagnons de la coopérative Cooperl. Cette méthode de recrutement précoce est un gain de temps aux yeux des éleveurs qui ont déjà connu de longues journées de rendez-vous avec des candidats manifestement peu préparés.

Un parcours dans plusieurs exploitations

Désormais en apprentissage à la SCEA Denieul pour son CS porc, Maxime Camé a déjà fait un premier apprentissage durant deux ans dans un autre élevage adhérent de la Cooperl. Là, il avait appris des techniques, mais il voulait enrichir son expérience avant de s’installer dans plusieurs années.

C’est ainsi que fonctionne le réseau des Compagnons de la Cooperl. Cette démarche repère des candidats potentiels de façon très précoce grâce à des présentations dans les écoles ou grâce à des visites d’élevage avec des adultes en reconversion. Les personnes intéressées peuvent commencer par un court stage de découverte dans un élevage, puis poursuivre avec l’apprentissage qui, selon les cas, dure entre six mois et deux ans.

En passant d’élevage en élevage, l’apprenti valorise son expérience dans son livret de compagnon, une sorte de curriculum vitæ remis par la Cooperl qui recense toutes les compétences spécifiques acquises. Les éleveurs qui l’ont encadré s’engagent sur la validation de ces savoir-faire.

S’il n’a pas pu apprendre une compétence particulière dans l’exploitation, les maîtres compagnons s’engagent à lui accorder du temps pour qu’il aille l’acquérir dans un autre élevage.

Vincent Denieul reconnaît que Maxime lui apportera des connaissances en retour. Le précédent élevage où Maxime avait fait son premier apprentissage de BTS Acse utilisait déjà des boucles RFID. Comme l’adoption de cette technique est en projet à la SCEA Denieul, les associés ne manquent pas de tirer profit de l’expérience de l’apprenti.

À la rentrée de 2019, la Cooperl a enregistré un total de trente et un compagnons, dont une bonne part (40 %) sont déjà salariés sur une exploitation. « Les attentes des éleveurs vont vers des salariés capables de prendre plus de responsabilités. Nous nous efforçons d’accompagner cette évolution », explique Vincent Esnault, référent des Compagnons Cooperl pour toute la coopérative.

Maxime Camé, à l’issue de son apprentissage dans la SCEA Denieul, recevra son livret du compagnon qui validera les compétences acquises. © E. Young/GFA

Rapprocher les demandes et les offres

« C’est le technicien de notre zone qui nous a présenté la demande de Maxime », se souvient Vincent Denieul. Le technicien de la Cooperl avait senti les exploitants en mesure d’accueillir un apprenti de son niveau. Un autre élevage, plus proche de chez Maxime, avait été pressenti auparavant. Techniquement, il correspondait mieux à sa demande, en particulier pour la gestion des boucles RFID, mais l’exploitant était moins préparé à encadrer un tel profil.

« C’est notre mission de rapprocher l’offre et la demande sur le territoire », explique Daniel Tizon, responsable commercial de la zone de Gorron (Mayenne) et désigné récemment pilote RH de cette zone. Il a pour rôle de déployer sur le terrain le programme des Compagnons Cooperl. Grâce à des réunions avec les 340 éleveurs de sa zone et grâce au déploiement des techniciens sur le terrain, il recense les besoins des agriculteurs. En exploitant ainsi sa connaissance du terrain, il identifie les éleveurs qui ont les capacités de devenir maîtres Compagnons.

La Cooperl compte 75 maîtres Compagnons, ce qui représente environ 5 % de la population d’éleveurs de l’ensemble de la coopérative. En parallèle, Daniel Tizon contacte tous les établissements scolaires à la recherche d’apprentis ou d’élèves qui sont prêts à suivre, dans un premier temps, un simple stage de découverte. Selon les cas, quelques-uns entrent dans l’apprentissage ensuite.

Pour mener cette mission, chacun des dix pilotes RH de la coopérative consacre un jour par semaine au programme Compagnons. « Nous avons changé de posture : avant, on recevait des demandes de stagiaires. Maintenant, on propose des stages et on accompagne les stagiaires », résume Daniel Tizon.

« La densité du maillage territorial lève les freins des éleveurs à recevoir des stagiaires »

Daniel Tizon, pilote RH à la Cooperl

En parallèle, le maillage territorial lève les freins des éleveurs réticents à recevoir les stagiaires. Plutôt que de vouloir à tout prix construire un hébergement, le problème du logement du stagiaire trouve sa solution dans la densité de maîtres Compagnons : plus il y a de maîtres Compagnons, plus le stagiaire a une chance d’en trouver un proche de chez lui sans avoir besoin de loger sur l’exploitation.

« Nous apportons aussi un soutien administratif à chaque fois qu’on le peut », reprend Vincent Esnault. Par exemple, comme il est nécessaire de présenter un document unique d’évaluation des risques (DUERP) actualisé pour accueillir un stagiaire, la Cooperl propose une trame adaptée aux métiers de l’élevage porcin que l’exploitant ajuste à sa situation particulière.

Se former au management

Les maîtres Compagnons suivent une formation au management de trois jours : deux jours consacrés aux bases théoriques du management (déléguer, communiquer, manager) dispensées par le cabinet Sodimedia et un jour consacré aux questions individuelles chez l’exploitant. Les pilotes RH assistent aussi à la formation théorique. De cette façon, ils renforcent leur connaissance de la personnalité des maîtres Compagnons.

Liée par une messagerie spécifique, une communauté est en train de se constituer entre les pilotes RH, les maîtres Compagnons et les stagiaires Compagnons. Si on lui demande de dresser un premier bilan de la présence de Maxime depuis deux mois, Vincent Denieul se déclare satisfait : « Sa motivation est intacte. Il est certain que Maxime est un relais de confiance dans l’élevage. Il est dans le rythme d’acquisition des compétences comme on le connaît déjà pour nos autres salariés. »

Eric Young Journaliste web

Daniel Tizon, pilote RH de la Cooperl, repère les besoins d’emploi des éleveurs de sa zone et les candidats de façon la plus précoce possible. © E. Young