Le syndicat majoritaire des salariés de l’agriculture et de l’agroalimentaire, la CFDT agri-agro, formule plusieurs propositions pour « mieux mobiliser les soutiens publics pour soutenir une agriculture attractive pour les travailleurs ». Le syndicat est accompagné par le cabinet le Basic (1) qui a réalisé une étude détaillée sur les effets des financements publics sur l’emploi agricole salarié.

Pour la CFDT agri-agro, la question de l’efficacité des politiques publiques soutenant l’emploi agricole, tels que les dispositifs dits Fillon et TO-DE qui sont des exonérations de cotisations patronales, est majeure pour le secteur agricole. « 50 % des exploitants vont être dans les dix années qui viennent en transmission, mais on voit aussi un mouvement de fonds, avec une pyramide des âges sur le salariat qui pose question, ainsi que l’attractivité des métiers notamment auprès des jeunes générations », constate Franck Tivierge, secrétaire national du syndicat, lors de la présentation des propositions et de l’étude le 7 juillet 2023.

Réorienter les exonérations vers la transition

La CFDT agri-agro revendique la création d’une base de données économique et sociale sur la production agricole, afin de pouvoir mesurer l’évolution du salariat et évaluer l’impact des politiques publiques en faveur de l’emploi. Il recommande aussi de sanctuariser les financements de l’exonération TO-DE dans le budget du ministère de l’Agriculture et de le réorienter vers des modes de production agroécologique, pour favoriser la transition et rendre les emplois plus attractifs.

Sept actifs sur 10 sont des salariés

Christophe Alliot, du cabinet le Basic, pose trois constats. Selon les chiffres du recensement de 2020, les salariés agricoles représentent 38 % des UTA (unité de travail annuel), mais l’étude du Basic met en avant que, rapporté au nombre de personnes, les salariés agricoles (CDI, CDD et apprentis) représentent sept actifs sur dix de l’agriculture (chiffres de 2016 (2)). Les salariés agricoles représentent donc une part majeure des actifs agricoles.

« Les exonérations de cotisations sociales patronales sont une pièce maîtresse de la politique en faveur de l’emploi agricole et représentent un coût important pour les finances publiques : 1,8 milliard en 2020, soit près de 10 % du montant total des soutiens financiers publics accordés à l’agriculture », et il n’existe aucune évaluation de ces politiques publiques.

Une dépendance aux exonérations pour les plus intensives

Les exploitations viticoles, de maraîchage, arboricoles et en production laitière représentent 58 % du total des exonérations Fillon et TO-DE.

L’étude montre que pour ces quatre secteurs de production, les économies liées aux exonérations représentent 2 à 6 % des coûts de production par quantité produite sur l’exploitation. Par ailleurs, les exploitations qui emploient plus de 3 salariés permanents et des saisonniers (groupe 3 et 4 de l’étude) sont celles qui ont un résultat courant avant impôt (RCAI) le plus dépendant des exonérations.

Les exonérations de cotisations représentent de 20 à 33 % du RCAI pour les exploitations viticoles, maraîchères et arboricoles, et 13 à 14 % en bovins lait. Ces exploitations ont un modèle économique plus dépendant aux exonérations, relève l’étude du cabinet Basic. Ce sont aussi celles qui ont les charges à l’hectare les plus importantes et une intensité capitalistique plus forte.

Un questionnement sur les modèles de production soutenus

En arboriculture et en maraîchage, les exploitations qui ont plus de trois salariés permanents et des saisonniers sont aussi « celles qui semblent avoir les modèles agricoles les plus questionnants pour l’environnement, comme en témoignent leurs charges bien plus élevées de pesticides par hectare », constate l’étude. « Il semblerait que les exonérations contribuent avant tout à la rentabilité de certains modèles agricoles parmi les plus intensifs, et les plus impactants sur le plan écologique », peut-on lire plus loin.

Le syndicat espère pouvoir ouvrir le débat et « avancer avant le projet de loi de finance qui va arriver en fin d’année ».

(1) Bureau d’analyse sociétale d’intérêt collectif.

(2) Selon Magnan, A. (2022). Le développement du salariat précaire dans l’agriculture française : une approche d’économie institutionnelle. Thèse de doctorat.