Qu’est-ce que la médiation en agriculture ?

La médiation est une méthode employée dans des contextes où le collectif de travail est dégradé. La dégradation se manifeste parce qu’une personne dans le groupe est en difficulté et l’exprime. En revanche, la méthode contient une obligation de moyens mais pas de résultat. Avant d’intervenir, je vérifie bien que chaque personne exprime que la situation actuelle nécessite un changement et qu’elle est prête à le faire.

Qu’entendez-vous par « collectif de travail » ?

Pour ma part, j’interviens toujours dans des collectifs qui disposent de leur structure juridique : Gaec, associations, société, etc. Je me focalise sur les chef(fes) d’exploitation. En revanche, le périmètre ne s’arrête pas là. Je demande la participation de toutes les personnes concernées même si elles ne sont pas strictement dans la structure juridique : les salariés, les épouses, les anciens exploitants, le propriétaire… à partir du moment où les difficultés les affectent dans leur travail ou leur vie privée.

"Il y a autant de problèmes que de collectifs de travail agricole"

Quels sont les problèmes ?

Il y a autant de problèmes que de collectifs de travail. Parfois, la situation se cristallise autour de faits anodins comme des gens qui garent leurs voitures au mauvais endroit ou un cerisier dont on ne sait pas bien s’il appartient au Gaec ou à un des adhérents. Bien sûr, ces faits sont des révélateurs d’une situation tendue et de reproches non-dits. C’est à ce moment-là qu’on me sollicite à travers la chambre d’agriculture de l’Indre-et-Loire.

Qu’est-ce que vous faites en tant que médiatrice ?

Pour tenir le rôle de médiatrice, il faut mobiliser des compétences d’écoute, une certaine expérience des situations problématiques et une connaissance de la méthode. Celle-ci se déroule en plusieurs étapes. En premier, je définis le périmètre d’intervention et la liste des participants. Je les réunis une première fois pour expliquer ce qui va suivre. Cet engagement se traduit par un contrat signé par chacun et par moi-même.

L’écrit les rassure ?

Non seulement le contrat écrit matérialise l’engagement mais il rassure les participants. Il est très important qu’ils se sentent dans une sécurité affective. Ils vont dire des choses dures, engageantes et émouvantes. Ils doivent être certain de la confidentialité de leurs propos, de l’écoute bienveillante qu’ils vont recevoir. C’est une fonction essentielle de cette méthode. Elle ne peut être dévolue qu’à une animatrice (teur) à la fois proche et externe.

Que se passe-t-il après cette première réunion ?

Je m’entretiens avec chacun d’eux individuellement mais avec les mêmes questions. C’est là où je leur demande d’exposer leurs griefs pour déposer les incompréhensions, les doutes, les reproches. À la fin, je leur demande de proposer un moyen d’en sortir. Je différencie toujours ce qui peut être dit au groupe ou non. Et, pour ce qui peut l’être, je demande au participant s’il est capable ou non de le dire au groupe parce que ça peut être une vraie épreuve émotionnelle. Sinon, je le fais s’il me l’autorise. La restitution se passe durant une réunion collective. Chacun dit son ressenti sur les griefs partagés et met en discussion sa proposition pour s’en sortir. Ce travail aboutit à un protocole d’accords à nouveau signé par chacun. Ensuite je viens visiter le collectif deux à quatre mois plus tard.

"La compréhension ne veut pas forcément dire la réconciliation"

Est-ce que les problèmes sont résolus ?

À l’issue de cette méthode, il y a toujours une meilleure compréhension mais la compréhension ne veut pas dire la réconciliation. Il n’est pas rare que la résolution du problème se traduise par la sortie d’un associé. Cette phase-là aussi peut être douloureuse. Mais, avant ça, les associés ne pouvaient plus supporter la situation non plus.

Les agriculteurs font-ils souvent appel à la médiation ?

Je ne peux témoigner que de mon expérience dans l'Indre-et-Loire. Je n’ai jamais fait autant de médiation que depuis la fin de la crise du Covid. C’était une période de travail intense dont les collectifs ressortent épuisés. Mais le secteur agricole est aussi traversé par un mouvement général autour du sens du travail. Ces interrogations peuvent se traduire par des crises des collectifs.