Intervenant auprès de l’interprofession élevage et viande de Normandie, vous avez valorisé les systèmes de polyculture-élevage. Pourquoi sont-ils vertueux à vos yeux ?
La première vertu à ce système tient au fait que les animaux consomment des matières végétales diverses notamment celles riches en protéines et en cellulose. Leur production contribue à des rotations longues et diversifiées donc à la fertilité des sols, à limiter la pression des bioagresseurs et par voie de conséquence à réduire l’usage des produits phytosanitaires.
L’élevage valorise des légumineuses à graines et fourragères en quantité importante. Ces dernières telle la luzerne rendent des services « tout en un » : couvrant le sol, l’enrichissant en azote et fournissant des aliments riches en protéines. Les légumineuses fourragères sont aujourd’hui les chevilles ouvrières d’une agriculture durable permettant une réduction du recours à la fertilisation chimique fortement émettrice de gaz à effet de serre.
L’élevage par ses effluents assure alors le transfert de fertilité entre les parcelles. La polyculture-élevage est ainsi de nature à renforcer l’autonomie agricole et alimentaire en limitant les consommations d’intrants importés.
Au-delà de l’activité agricole et de l’exploitation, quels sont les bénéfices pour les territoires ?
J’invite effectivement à raisonner la polyculture-élevage à l’échelle des territoires au-delà du périmètre de chaque exploitation. Par exemple, les animaux valorisent certains coproduits non consommables par les humains tels les tourteaux, drèches, sons de céréales et pulpes de betteraves. L’élevage est aussi à l’origine d’emplois.
Ces systèmes autorisent en outre des cultures à double finalité d’alimentation humaine et animale qui renforcent la résilience. Enfin, la diversification des cultures, les plantations de haies et d’arbres associées à l’élevage sont favorables à la biodiversité.
Pour autant, les défis pour le maintien et le développement de la polyculture-élevage ne sont-ils pas nombreux ?
Il s’agit notamment de défis organisationnels. Dans une logique dépassant le cadre de l’exploitation, des complémentarités sont à développer et les régions ont un rôle clé à jouer dans une déspécialisation des territoires. J’observe d’ailleurs que plusieurs d’entre elles développent des politiques et stratégies en faveur de l’élevage. L’investissement économique et stratégique des coopératives multifilières sera également nécessaire.
Le bilan carbone de l’élevage français est couramment montré du doigt. Comment y remédier ?
Je déplore que l’élevage soit uniquement évalué via l’analyse du cycle de vie du carbone en oubliant ses autres services. Paradoxe de cette approche, plus les systèmes sont extensifs plus ils émettent de gaz à effet de serre pour la même quantité de produit.
Des voies de progrès existent toutefois avec une réduction des émissions des bovins grâce à l’amélioration génétique, laquelle pourrait atteindre jusqu’à 10 % en dix ans. La précocité des vêlages, l’allongement des carrières des vaches laitières réduiraient le nombre d’animaux nécessaires à même niveau de production. Les places libérées permettraient d’engraisser plus en France au lieu d’importer une partie de la viande bovine que l’on consomme.
Moins exigeant en main-d’œuvre que l’élevage des jeunes animaux, l’engraissement pourrait d’ailleurs intéresser des cultivateurs souhaitant réintroduire l’élevage. L’ensemble de ces leviers pourrait réduire l’intensité des émissions d’au moins 25 à 30 %.