À Lehaucourt et Beaurevoir, deux communes de l’Aisne, les deux parcelles agroforestières de Luc et Hélène Gautier attirent le regard dans ce paysage agricole à dominante céréalière. Et pour cause, il s’agissait, en 2017, de la première plantation intraparcellaire du département. Camouflés dans leur gaine de protection il y a 5 ans, les plus grands arbres atteignent désormais 4 m de haut. « À l’époque, nous avions beaucoup d’interrogations sur le choix des essences, car il n’y avait pas ou peu de références régionales, ni de systèmes agroforestiers en France ayant déjà connu une récolte », indique Luc Gautier. Avec l’aide de la Chambre d’Agriculture de l’Aisne et d’un pépiniériste local, le choix s’est finalement porté sur des essences nobles : érable plane, noyer hybride, orme Lutèce, merisier et noyer noir d’Amérique pour les 15 ha de Beaurevoir ; érable sycomore, noyer hybride, pommier commun, merisier et cornouiller sanguin pour les 6 ha de Lehaucourt. L’écartement entre chaque rang est de 1,5 à 2 trains de pulvérisateur, pour anticiper d’éventuels changements de matériel. « Il s’agit d’une démarche de long terme : la récolte ne se fera certainement qu’à la troisième génération d’agriculteurs », précise l’exploitant.

Attirer les auxiliaires

Ce système agroforestier est en fait la continuité d’une série d’aménagements, initiée il y a 25 ans sur l’exploitation pour répondre à deux principaux objectifs : favoriser la biodiversité, qu’elle soit cynégétique ou auxiliaire, et lutter contre l’érosion. Au total, plus de 1 km de haies a été mis en place ainsi que 4 bosquets de 50 m de long, bordés par des bandes enherbées. Une dizaine d’espèces les compose, ce qui permet d’avoir une diversité d’étages.

« Le projet a été longuement étudié, avec la Chambre d’Agriculture, afin que ces infrastructures soient bien positionnées par rapport à la problématique de l’érosion, précise Luc Gautier. Le résultat est concluant, avec une rétention efficace lors de forts orages ». Côté biodiversité, la petite faune trouve dorénavant davantage d’espaces de nidification et de refuge. Les auxiliaires de cultures sont eux aussi observés en plus grand nombre (voir l'encadré).

Dans d’autres parcelles, des bandes enherbées permanentes de 4 m de large, dites de rupture, sont présentes : avec 5 à 6 espèces (fétuque, dactyle, trèfle, luzerne, phacélie…), elles offrent elles aussi un habitat pour les auxiliaires. Enfin, 38 ares de miscanthus ont été plantés en 2018, en partenariat avec la fédération de chasse.

"C'est un état d'esprit, et je suis satisfait des services rendus."

Projet HVE

Cependant, tous ces aménagements requièrent du temps de travail supplémentaire, pour un gain économique difficilement perceptible au début : « c’est un état d’esprit, confit Luc Gautier, et je suis satisfait des services rendus. Mais je n’ai pas d’autres projets d’aménagements pour le moment : c’est déjà pas mal et il me manque de la main-d’œuvre ». Les premières années, l’entretien des haies s’est fait à l’aide d’un taille-haie thermique manuel pour faire de la taille de formation. L’agriculteur est ensuite passé sur un entretien au gyrobroyeur, effectué tous les ans voire une fois tous les deux ans. Il fait aussi plus de faux semis et de déchaumage, pour contenir les espèces présentes dans les bandes enherbées et les rangs agroforestiers. Quant au miscanthus, l’entretien est minime sur le cycle de la culture mais un désherbage en première année a été nécessaire.

Afin de préserver cette biodiversité, Luc Gautier limite au maximum ses applications insecticides. Une initiative qui lui a permis de réduire l’Indice de fréquence de traitement (IFT) total de son exploitation et d’être aujourd’hui éligible à la certification Haute valeur environnementale (HVE). « J’ai été pré-audité dans le cadre d’une démarche collective avec la coopérative Cérésia. À ce jour, il n’y a pas de valorisation sur les céréales et le colza mais il sera peut-être possible de l’envisager sur les betteraves avec Tereos, qui a développé une filière HVE ».