Le digestat brut atteint le plus haut niveau de fertilisation, comparativement à une solution lisier et fumier ou à de l’azote minéral. C’est ce qui ressort de l’essai Métamétha, de l’Inrae Centre-Val de Loire à Nouzilly (Indre-et-Loire). Pendant trois ans, les chercheurs ont comparé l’épandage de digestats ou d’effluents d’élevage non traités afin de mieux connaître les qualités fertilisantes du digestat.

Le produit issu du méthaniseur (sans séparation de phase) a permis d’atteindre des rendements en blé très proches de ceux obtenus avec un engrais minéral (solution azotée N39). Le digestat peut donc se substituer aux engrais de synthèse, une bonne nouvelle pour l’autonomie des fermes.

« Mais attention, nuance Antoine Savoie, le responsable technique de l’essai, l’azote efficace, autrement dit la part ammoniacale dans le digestat, est très élevé et difficile à maîtriser. On peut vite dépasser les 170 unités d’azote total/ha réglementaires si on ne prend en compte que cet azote ammoniacal. On devra donc mixer avec de l’azote minéral. »

Autre risque, la volatilisation de l’ammoniac a lieu très rapidement après l’épandage. « Un tiers à la moitié de l’azote peut se volatiliser dans les premières heures. C’est énorme. Il faut enfouir très rapidement le digestat pour stopper le processus. Cependant, ce n’est pas toujours possible, par exemple quand les cultures sont déjà en place », ajoute Antoine Savoie. La séparation de phase peut diminuer cette volatilisation.

À l’échelle de l’exploitation

Les équipes de l’Inrae, coordonnées par Sabine Houot, ont souhaité connaître plus largement l’impact de l’épandage de digestat sur une exploitation en polyculture élevage. Les résultats ont été obtenus par modélisation sur 20 ans avec les modèles Stics et Sys-metha, dans le cadre de la thèse de Victor Moinard.

Les différents systèmes de fertilisation n’ont pas d’impacts importants sur les émissions de protoxyde d’azote, un puissant gaz à effet de serre. Les fuites sont essentiellement présentes lors du stockage du digestat, tout comme dans le cas des effluents bruts, et non lors de l’épandage. Il faudra donc obligatoirement couvrir toutes les fosses de stockage de digestat. À l’inverse, le digestat permet de stocker du carbone dans le sol, mais moins que les effluents non méthanisés.

Ces résultats varient essentiellement en fonction de l’apport d’intrants extérieurs (déchets agroalimentaires, issues de céréales…) ou non. Dans les conditions des scénarios testés, quand un éleveur, qui valorise déjà son fumier et lisier, ajoute peu d’intrants extérieurs dans le méthaniseur, un doublement des flux d’azote d’origine organique apportés au sol se produit, mais la substitution des engrais minéraux est faible (10 % environ) et la tendance est à une légère diminution des stocks de carbone dans les sols (-0,1 tC/ha/an).

« En revanche, quand les intrants extérieurs sont importants, ils conduisent à des apports d’azote d’origine organique quatre fois supérieurs aux apports sans méthanisation, précise Sabine Houot. La substitution potentielle des engrais augmente et atteint 30 %. Le stockage de carbone atteint alors + 0,6 tC/ha/an et la volatilisation d’ammoniac double alors par rapport à la situation initiale ». Ces résultats d’essai complètent l’analyse du cycle de vie de la méthanisation fondée sur 16 critères, réalisée par l’Inrae en 2021.