Trois associations de consommateurs ont critiqué l’opération commerciale « trimestre anti-inflation ». Dans un courrier adressé au gouvernement et consulté ce jeudi 9 mars 2023 par l’AFP, elles affirment que ce dispositif n’aboutira « en aucun cas » aux prix « les plus compétitifs possibles », faute de suspendre une disposition légale obligeant les supermarchés à garder une marge de 10 % sur les produits alimentaires.

Le gouvernement « s’en remet à la bonne volonté » des distributeurs

L’UFC-Que Choisir, Familles rurales et Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV), trois importantes associations de consommateurs, ont écrit une lettre ouverte à Élisabeth Borne, se montrant très critiques sur l’opération dite du « trimestre anti-inflation », annoncée lundi par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et la ministre déléguée au Commerce, Olivia Grégoire.

Cette opération, qui doit entrer en vigueur le 15 mars jusqu’au 15 juin, consiste à laisser les enseignes de la grande distribution choisir librement une sélection de produits sur lesquels elles s’engagent à proposer « le prix le plus bas possible » en rognant sur leurs marges.

Cette expression n’est toutefois pas définie par la loi, faisant dire aux associations que le gouvernement « se contente aujourd’hui de s’en remettre à la bonne volonté de la grande distribution pour qu’elle limite ses marges (ou prétendre le faire à travers des opérations purement de marketing) ».

Une mesure à 600 millions d’euros

Guylaine Brohan, présidente de Familles rurales, Alain Bazot, président de l’UFC-Que Choisir, et Jean-Yves Mano, président de la CLCV, suggèrent plutôt au gouvernement de suspendre une disposition dite « SRP + 10 », entrée en vigueur en 2019.

Cet encadrement du « seuil de revente à perte » (SRP), son nom complet, a été adopté dans le cadre de la loi Egalim 1 et était censé protéger le revenu des agriculteurs. Il oblige les supermarchés à vendre les produits alimentaires au moins 10 % plus cher que le prix auquel ils l’ont acheté.

Selon des travaux d’évaluation parlementaires, la mesure « ne semble avoir que très partiellement atteint son objectif » d’accroître la rémunération des producteurs agricoles. La commission des affaires économiques du Sénat estimait dans un rapport d’information sur les négociations commerciales et l’inflation, le coût de la mesure pour les consommateurs à 600 millions d’euros.

Cette mesure est entrée en vigueur à titre « expérimental » jusqu’au 15 avril 2023, mais une proposition de loi votée en première lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat, celle du député Frédéric Descrozaille (Renaissance), prévoit de la reconduire.

Le Modef réclame un coefficient multiplicateur

Même son de cloche du côté du Modef. Dans un communiqué de presse du 9 mars 2023, le syndicat s’inquiète lui aussi de la tendance inflationniste qu’il juge « délétère, tant pour l’activité agricole que pour la sécurité alimentaire ». Si « le discours d’Emmanuel Macron est ambitieux », le Modef « attend des actes forts ! » et émet quatre propositions anti-inflation :

  • La mise en place du coefficient multiplicateur plafond et permanent pour tous les produits agricoles pendant quatre mois. Ces coefficients multiplicateurs seront fixés pour chaque catégorie de produits agricoles par le Conseil de la concurrence.
  • L’interdiction de vente à perte, elle doit être élargie aux agriculteurs de sorte que les centrales d’achat ne puissent pas acheter aux producteurs à un prix inférieur aux coûts de production.
  • De rendre obligatoire et permanent le double affichage des prix agricoles (prix à la production et prix de vente aux consommateurs).
  • De rémunérer le travail des paysans par la mise en place d’un prix garanti par l’État.