Cela ne fait plus aucun doute : la loi de santé animale entrera en application dans quelques jours, malgré les demandes de report d’un an faites par une majorité de pays européens. Ce nouveau cadre induit notamment une évolution des exigences en matière de fièvre catarrhale ovine (FCO) pour les mouvements intra-européens de ruminants destinés à l’élevage.
Dès le 21 avril, l’envoi d’animaux devra se faire sous couvert de vaccination contre les sérotypes présents en France continentale (sérotypes 4 et 8) au moins 60 jours avant leur départ vers un autre État membre. À ce stade, seules l’Espagne et l’Italie ont accordé des modalités dérogatoires (voir l’infographie).
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L’Italie et l’Espagne ont statué
Dans une note diffusée le 30 mars 2021, GDS France dévoile les dernières informations officielles délivrées par la Direction générale de l’alimentation (DGAL). Les positions de l’Italie et de l’Espagne – deux partenaires majeurs aux changes – sont dorénavant connues.
« L’entrée en application de la loi de santé animale met fin aux accords bilatéraux. De fait, les modalités dérogatoires acceptées par l’Italie et l’Espagne valent pour tous les États membres susceptibles d’envoyer des ruminants vers ces pays », explique Françoise Dion, vétérinaire conseil à Races de France et Interbev, référente sur les exigences sanitaires à l’exportation pour les ruminants vivants.
D’ici la date butoir, d’autres pays tels que le Luxembourg et la Hongrie pourraient se positionner sur des modalités dérogatoires. La question du maintien de l’équivalence de zone réglementée sérotype 8 actuellement en vigueur avec la Belgique et la Suisse est aussi en suspens.
« Par ailleurs, l’équivalence de zone réglementée sérotype 4 avec la Slovénie n’a plus lieu d’être du fait de la reconnaissance récente du son statut indemne », indique GDS France. « De son côté, la France doit également statuer sur les modalités dérogatoires acceptées pour l’introduction de ruminants sur son territoire », note Françoise Dion. En attendant, en l’absence des conditions d’échanges retenues par les autres États membres, le cas général de la vaccination s’applique.
« Consultés par les autorités sanitaires françaises, les professionnels avaient exprimé leur souhait d’adopter collectivement la vaccination contre les sérotypes 4 et 8 depuis au moins 60 jours pour les adultes et de laisser la possibilité d’expédier les jeunes de moins de six mois après une PCR négative, informe l’expert. De même, les opérateurs avaient demandé que la condition d’exporter des animaux de moins de 3 mois nés de mères vaccinées soit reconduite. »
Un Bon compromis pour certains...
Pour Laure Dommergues et Axelle Pieus, vétérinaires du pôle animal à La Coopération agricole, les assouplissements accordés par l’Espagne et l’Italie sont plutôt favorables aux éleveurs. « Les décisions des autorités sanitaires italiennes et espagnoles témoignent bien de leur intérêt pour les bovins français », appuie Interbev.
Alors que le marché espagnol a absorbé plus de 90 % des veaux nourrissons français exportés l’an passé, « les conditions d’envoi de cette catégorie d’animaux faisaient partie des préoccupations majeures », ajoute Michèle Chastan, présidente de la SAS du Marché au cadran de Mauriac et trésorière de la Fédération des marchés de bétail vif (FMBV). Les opérateurs vont ainsi pouvoir continuer sur les mêmes bases pour le commerce de petits veaux.
...une occasion manquée pour d’autres
« Si cette décision est bien accueillie par les éleveurs, elle reste une masse de travail et un coût conséquents à la charge des négociants en bestiaux », reconnaît Michèle Chastan. « Cela maintient la présence de la FCO sur notre territoire et ne résout en rien la problématique des débouchés si les veaux ressortent positifs au test PCR », souligne Michel Fénéon, président de la commission import-export à la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB) et directeur administratif et financier d’Eurofeder. « Nous perdons en compétitivité alors que d’autres destinations que l’Espagne sont demandeuses de nos veaux laitiers », opine Benoît Albinet, directeur commercial de Deltagro Export.
S’agissant des broutards, les opérateurs ont été assez surpris des positions adoptées par l’Espagne et l’Italie. « Au départ, nous avons vu la loi de santé animale comme un moyen de remettre un peu d’ordre dans la préparation sanitaire des animaux adultes afin que ces derniers puissent circuler vers l’Italie, l’Espagne ou tous les pays tiers selon les règles générales, qui ne sont autres que les recommandations de l’OIE. Or, il n’en est rien », explique Françoise Dion.
vaccination large pour faciliter les flux
À la FMBV et la FFCB, le discours reste inchangé : « Nous préconisons une vaccination contre les sérotypes 4 et 8 depuis au moins 60 jours avant le départ, permettant d’ouvrir le champ des possibles en matière d’exportation », reprend Michèle Chastan. En effet, « les éleveurs qui se limitent au vaccin monovalent contre le sérotype 8 pour envoyer leurs broutards et laitonnes vers le marché italien n’auront aucune autre voie alternative à l’exportation », alerte Benoît Albinet.
Mais depuis le mois de janvier, afin d'anticiper la loi de santé animale, les éleveurs ont davantage eu recours au vaccin bivalent 4 et 8. « La production étant calibrée d’une année sur l’autre, les laboratoires ont fait remonter une rupture temporaire de stocks », révèle Axelle Pieus. Pour Françoise Dion, il n’y a pas d’inquiétudes à avoir : « La difficulté à se procurer des doses pour vacciner les animaux contre les deux sérotypes devrait être de courte durée. En effet, un autre fabricant devrait arriver d’ici la fin du mois d’avril. »
Par ailleurs, le délai de mise en conformité octroyé par l’Espagne jusqu’au 31 août 2021 pour les bovins et ovins de plus de 70 jours laisse davantage de flexibilité aux opérateurs et aux fabricants de vaccins pour ajuster l’offre à la demande sur le marché français.
Lucie Pouchard