Après l’échec de la motion de rejet déposée par le groupe La France Insoumise ce mardi 8 juillet 2025, l’Assemblée nationale a mis le point final au parcours de la loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Avec 316 voix pour et 223 contre, les députés ont adopté la loi Duplomb, du nom d’un de ses corapporteur au Sénat, après un cheminement de plusieurs mois (lire l'encadré ci-dessous). Le 2 juillet, ce sont les sénateurs qui l’avaient adopté.

Les opposants au texte se sont mobilisés jusqu’au dernier moment pour mettre la pression sur le vote des députés. La Confédération paysanne, Greenpeace et plusieurs autres ONG étaient réunis devant l’Assemblée nationale quelques heures avant le vote. Le syndicat avait dénoncé, dans un communiqué le 1er juillet, un texte issu de la commission mixte paritaire qui a entériné « des régressions agricoles, sanitaires et écologiques comme jamais », alors que la FNSEA, JA et la Coordination rurale se félicitent du texte de compromis.

Quatre réserves d’eau en Vendée, en Charente et Charente-Maritime ont été vandalisées quelques jours avant le vote. Un acte revendiqué par un collectif baptisé Du Plomb. Dans un communiqué du 7 juillet, le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau a condamné cette action.

Fin de la séparation de la vente et du conseil pour les phytos

Le premier article de la loi enterre la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires. Toutefois, les deux activités devront être bien distinguables lors de la facturation. Auparavant demandé lors du renouvellement du Certiphyto, le conseil stratégique phyto devient facultatif. Il pourra être délivré aux agriculteurs en cas d’installation, de reprise ou d’agrandissement.

Sujet à contestation, l’article 2 revient sur la surtransposition française du droit européen. Lorsque l’État interdit des produits phytosanitaires contenant une substance active approuvée par la législation européenne, il s’engage à indemniser les pertes d’exploitation significatives jusqu’à ce que les alternatives à l’utilisation de ces produits deviennent suffisantes. En outre, la loi précise que l’alternative doit être « financièrement acceptable ». Le coût pour l’exploitant ne doit pas être sensiblement plus élevé que celui engendré par l’utilisation du produit phytosanitaire.

Le texte de loi entérine la création d’un comité des solutions, où siègent des représentants de la production agricole et de la recherche agronomique, chargé de recenser les impasses techniques. L’article prévoit aussi que l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation et de l’environnement) prenne en compte les circonstances agronomiques, phytosanitaires, environnementales et climatiques lors de l’examen d’une demande d’autorisation de mise sur le marché.

Dérogation pour l’acétamipride

Après avis du conseil de surveillance, la loi prévoit qu’un décret puisse à titre exceptionnel, déroger à l’interdiction d’utilisation de certains produits (dont l’acétamipride) pour faire face à une menace grave compromettant la production agricole. Dans un communiqué du 7 juillet 2025, la CGB (Confédération des planteurs de betteraves) précise que les filières de la betterave et des pommes de terre pourraient bénéficier de cette réautorisation. Trois ans après la publication de ce décret, puis chaque année, le conseil de surveillance doit rendre un nouvel avis public et éventuellement abroger le décret dès lors que les alternatives à ces produits deviennent suffisantes.

Création d’élevages assouplie

Dans le cadre de la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) pour les élevages de porcs et de volailles, l’article 3 du texte augmente les seuils du régime d’enregistrement au niveau de ceux de la directive européenne IED (directive sur les émissions industrielles). Ces projets ne sont pas soumis à une étude d’impact. Les projets soumis au régime d’autorisation sont ceux situés au-delà des seuils de la directive européenne EIE (évaluation des incidences sur l’environnement).

Si la dérogation à l'interdiction de l'utilisation de l'acétamipride est une mesure phare du texte, ce dernier vise aussi à faciliter la création et l'agrandissement de bâtiments d'élevage. (©  Philippe Montigny/Filimages)

L’article prévoit également des assouplissements dans la procédure de consultation du public pour les projets d’élevages de bovins, de porcs, ou de volailles soumis à la procédure d’autorisation environnementale. La réunion publique est remplacée par une permanence organisée par le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête. Toutefois, le pétitionnaire peut demander le maintien de l’organisation d’une réunion publique.

Procédure de contestation pour l’assurance prairie

La loi engage également le gouvernement à mettre en place un plan pluriannuel de renforcement de l’offre d’assurances prairie. Par ailleurs, le texte explicite la procédure de contestation des pertes de récoltes. À partir d’un certain nombre de réclamations en cas de désaccord avec l’indice de pousse de l’herbe, le comité départemental d’expertise devra procéder à l’évaluation des réclamations et transmettre une synthèse au comité des indices. Ce dernier doit évaluer la corrélation entre l’indice de pousse et les données de terrain. Si l’anomalie constatée est majeure, l’assureur devra apporter des corrections et verser une indemnisation complémentaire à ses assurés.

Faciliter le stockage de l’eau

Sur la question des besoins en eau, le texte pose que « les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés » sont présumés d’intérêt général majeur lorsque les projets sont issus d’une démarche concertée entre l’ensemble des acteurs, lorsque les usagers s’engagent « dans des pratiques sobres en eau » et qu’ils concourent à un accès à l’eau pour tous. Les ouvrages de stockage de l’eau sont aussi présumés répondre à « une raison impérative d’intérêt public majeur » et ainsi pouvoir bénéficier de dérogations à certaines règles du code de l’environnement concernant la conservation des habitats ou des espèces.

La loi intègre aussi la possibilité de port de caméras piéton apparentes pour les agents inspecteur de l’Office français de la biodiversité ou des parcs nationaux. Le texte n’est pas encore au bout de son parcours. Générations futures a déjà prévenu qu’elle utiliserait « tous les moyens légaux » pour y faire obstacle. Il faut donc s’attendre à ce que ses opposants saisissent le Conseil constitutionnel.