Après que les parlementaires ont trouvé un compromis sur la proposition de loi Duplomb visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », les réactions fusent.

« Victoire démocratique » pour Annie Genevard

La ministre de l’Agriculture se réjouit d’une victoire. « C’est une victoire démocratique pour les agriculteurs qui doit encore se confirmer par le vote », a déclaré Annie Genevard à La France Agricole, considérant que « pour que les entraves au métier d’agriculteur soient véritablement levées, il reste une étape : le vote final. »

« Le texte adopté au Sénat, fruit d’un travail étroit avec mon ministère et celui de la Transition écologique, portait une ambition forte et équilibrée pour l’agriculture. Elle offrait, en complément de la loi d’orientation, des réponses économiques ambitieuses, réclamées depuis des années par les agriculteurs. La commission mixte paritaire a retenu une version revue et plus modérée, conformément à la sensibilité de l’Assemblée, abandonnant parfois certains sujets majeurs. J’en prends acte, mais je respecte ce choix : l’essentiel est sauf, et les avancées sont là », estime la ministre.

« Une dynamique de lutte contre les surtranspositions »

De leur côté, syndicats, organisations professionnelles et ONG sont divisés. La FNSEA et JA saluent l’accord trouvé par les parlementaires et estiment qu’il « témoigne d’une écoute attentive aux réalités du terrain ». Le texte « s’inscrit résolument dans une dynamique de lutte contre les surtranspositions, les surrèglementations et les impasses en matière de moyens de production », selon les deux syndicats.

Sur la question des élevages soumis à la réglementation des installations classées (ICPE), la FNSEA et JA considèrent que le texte amène un premier niveau de simplification, qui devra être confirmé par « un texte de loi spécifique ». En effet, avant l’échec des débats sur le texte de loi et son renvoi en commission mixte paritaire, le gouvernement avait proposé que le texte ouvre la porte à une action par ordonnance pour mettre en place une réglementation ICPE spécifique aux élevages.

La fin de la séparation de la vente et du conseil saluée

Chambres d’agriculture France souligne « des avancées concrètes » dans un communiqué du 1er juillet et salue la fin de la séparation du conseil et de la vente, la fin du conseil stratégique phytosanitaire et la réforme du Certiphyto. Sur ce point, La Coopération Agricole, dans un communiqué du 2 juillet, se félicite d’un « cadre clarifié et sécurisé » qui « met fin à une situation inapplicable sur le terrain ». « Ce texte, une fois définitivement adopté, donnera aux 2 100 coopératives agricoles françaises les leviers nécessaires pour concrétiser les ambitions portées par la loi d’orientation agricole », souligne La Coopération Agricole.

Sur la question des ICPE, Chambres d’agriculture France regrette que « la loi n’ait pas permis d’aller jusqu’au bout », c’est-à-dire vers un alignement des seuils sur la réglementation européenne et compte sur « le gouvernement pour poursuivre et achever ce chantier indispensable ». « Il faut aller plus loin en créant un régime spécifique à l’élevage », enjoint pour sa part La Coopération Agricole.

Tout comme la ministre de l’Agriculture, la FNSEA, JA, Chambres d’agriculture France et La Coopération Agricole appellent sénateurs et députés à adopter définitivement le texte lors des votes solennels prévu au Sénat ce 2 juillet et à l’Assemblée nationale le 8 juillet.

« Un processus antidémocratique »

La Confédération paysanne est, quant à elle, vent debout et considère que la commission mixte paritaire « a entériné des régressions agricoles, sanitaires et écologiques comme jamais ». Dans un communiqué du 1er juillet 2025, le syndicat dénonce l’adoption en commission mixte paritaire de la proposition de loi Duplomb comme « un processus antidémocratique cynique pour satisfaire les intérêts de l’agro-industrie ».

La Confédération paysanne désigne la dérogation accordée pour l’utilisation de l’acétamipride comme « un cadeau aux systèmes en monoculture intensive et au lobby du sucre », chiffrant que plus de 500 000 ha de betteraves sont concernés.

Le syndicat considère qu’accorder aux structures de stockage de l’eau le caractère « d’intérêt général majeur » et de bénéficier de la « raison impérative d’intérêt public majeur », comme une évolution « inadmissible s’agissant d’infrastructures qui accaparent l’eau au profit d’une minorité ».

La Confédération paysanne insiste aussi sur le fait que « le monde agricole ne soutient pas cette proposition de loi » et considère que « les sénateurs et députés « centristes, LR, macronistes et RN » ont tranché contre l’intérêt général des paysans ».

« Faire censurer ou annuler »

De son côté, Générations Futures appelle, dans un communiqué du 30 juin 2025, les parlementaires à voter contre le texte lors des votes solennels, les 2 et 8 juillet. L’ONG indique qu’elle « utilisera tous les moyens de recours à sa disposition afin de faire censurer ou d’annuler les dispositions de cette proposition de loi ».

Elle considère notamment que l’obligation de réévaluation à trois ans de la dérogation sur l’acétamipride n’est « qu’un écran de fumée ouvrant la voie à une dérogation renouvelable indéfiniment tant les conditions sont souples ». « Tout a été fait dans ce texte pour verrouiller encore plus le système dans une dépendance aux pesticides de synthèse dangereux », s’indigne Yoann Coulmont, son chargé de plaidoyer.

Si de l’avis des experts politiques, l’adoption au Sénat du texte ne devrait être qu’une formalité, c’est à l’Assemblée nationale ce 8 juillet que tout devrait se jouer pour la proposition de loi Duplomb. Tous les regards seront tournés vers la position des élus de Ensemble pour la République (EPR), qui en s’alliant ou non aux députés du rassemblement national (RN), des Républicains (LR) et centristes, pourront faire basculer l’issue.