« L’eau est le marqueur majeur du changement climatique », déclare Yannick Haury, député et corapporteur à la mission d’information sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique.
La mission d’information a présenté ses conclusions le 17 janvier 2024 à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, après plusieurs mois d’auditions et de travaux menés auprès des acteurs concernés.
Un « bouquet de solutions »
Adopté à l’unanimité, le rapport de la mission d’information avait pour objectif de faire émerger des leviers de meilleure gestion de la ressource en eau, alors que la commission constate que « plus de 110 bassins-versants connaissent des tensions structurelles » aujourd’hui. En effet, la quantité d’eau renouvelable disponible a baissé de 14 % en France entre les périodes 1990-2001 et 2002-2018, et le débit des cours d’eau devrait diminuer à l'horizon de 2050.
Pour les corapporteurs de la mission, il n’existe pas de « solution unique », mais un « bouquet de solutions », afin de faire face à la raréfaction de la ressource en eau. Avec 81 propositions au total, les solutions s’articulent autour des exigences suivantes : renforcer les politiques publiques en soutien à la préservation de la ressource, développer le stockage de l’eau, renforcer la gouvernance et le financement des politiques de l’eau.
Préconiser le stockage multi-usage de l’eau
Pour Vincent Descoeur, député et corapporteur de la mission, le stockage multi-usage de l’eau pour éviter à la fois les inondations et les situations de manque est à préconiser en réponse aux évènements climatiques exceptionnels. Il affirme ne pas vouloir que la question du stockage de l’eau soit taboue, alors que cette solution « sera le passage obligé dans certains territoires ». Le stockage doit ainsi permettre de faire de la rétention d’eau ou de délivrer de l’eau dans les périodes les plus sèches.
« Les retenues d’eau sont jugées nécessaires, mais ne constituent pas la solution unique et doivent être mises en parallèle de la sobriété, des autres solutions en agriculture telles qu’améliorer les techniques d’irrigation, diversifier les cultures irriguées, le développement de l’agroécologie ou encore la re-végétalisation », détaille le député.
Encourager une agriculture moins consommatrice d’eau
Parmi les propositions de la mission qui concernent le secteur agricole, les pratiques agroécologiques, les recherches de nouvelles variétés moins consommatrices d’eau, et l’achat de matériel d’irrigation plus économe sont à encourager. De même que le renforcement des paiements pour services environnementaux, en ciblant plus spécifiquement les pratiques agricoles permettant la protection et la restauration de la ressource en eau.
Par ailleurs, les pertes d’exploitation subies à cause des restrictions d’eau par arrêté préfectoral ne bénéficient pas aujourd’hui de prise en charge, un point qui doit être repensé, ajoute Yannick Haury, corapporteur et député à l’Assemblée nationale. Le rapport propose donc d’engager une réflexion avec les assureurs sur la prise en charge des pertes d’exploitation.
Adopter une tarification progressive de l’eau
La sobriété à l’hectare est « le défi à relever », selon les corapporteurs, dans la mesure où demain, « il y aura davantage de surfaces à irriguer ». Ils appellent à « s’adapter à une nouvelle donne climatique, qui impose de réduire la consommation d’eau ».
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Le rapport souligne l’importance de mettre un terme à la tarification dégressive de l’eau, qui incite au gaspillage, pour adopter une tarification progressive qui serait « essentielle » afin d’aller vers un meilleur usage de l’eau, insiste Anne-Cécile Violland, coprésidente de la mission.
Plan eau : les conditions « ne sont pas réunies » pour une tarification progressive de l’eau (29/11/2023) (ajout lien)
La tarification différenciée, qui pourrait également inciter à la sobriété hydrique, en fonction des saisons, pourrait être mise en place « dans toute commune confrontée à des risques de pénuries », ajoute Vincent Descoeur.
Ces mesures de tarification passeraient par l’installation de compteurs individuels sur l’ensemble des activités humaines, donnant lieu à une meilleure connaissance en temps réel de la consommation d’eau.
Utiliser les eaux non conventionnelles
S’il est crucial de réduire la consommation des ressources en eau, le rapport s’est aussi consacré à la question de l’utilisation des eaux non conventionnelles.
Il est « urgent de créer un cadre national clair sur la récupération des eaux non conventionnelles », énonce Vincent Descoeur. D’autant plus que la mission propose d’inscrire dans la loi l’objectif de réduction de 10 % des prélèvements de la ressource en eau douce tous secteurs confondus d’ici à 2030, formulé par le plan Eau, et de le compléter par un objectif de -25 % d’ici à l’année 2040. Pour le secteur agricole spécifiquement, l’objectif est de maintenir le niveau de prélèvement actuel à l’échelle nationale.
Contribuer aux futures lois
Quant au devenir des propositions de la mission d’information, celles-ci pourront apporter des contributions aux futures lois parlementaires. Si certains sujets sont conflictuels, d’autres font davantage consensus, tels que la réutilisation des eaux non conventionnelles, expliquent les corapporteurs.