En quoi la betterave est-elle une culture bénéfique pour l’environnement ?

La betterave subit aujourd’hui une forme de dénigrement injustifié. C’est une des rares cultures qui couvre le sol en été de façon équivalente à une forêt. Elle en cumule les bénéfices environnementaux : fraîcheur de la terre en surface, enracinement exceptionnel, entretien d’une microbiologie jusque dans les profondeurs du sol ainsi que l’évapotranspiration qui régule le climat et le cycle de l’eau à ces périodes critiques de sécheresse et de fortes chaleurs. La betterave est une plante étonnamment résistante au manque d’eau. Elle a une capacité de rattrapage importante après des stress thermiques et hydriques, car bisannuelle et sans stade clé au cours de la première année de croissance. Tout cela sans irrigation. C’est en outre l’une des rares grandes cultures qui ait encore des potentiels de hausse de rendement.

La culture est pourtant mise en danger…

L’interdiction de l’emploi des néonicotinoïdes dès 2023, soit un an avant la date initialement prévue, fait peser un risque à toute la filière. Les alternatives proposées, encore immatures, ne sont pas de nature à permettre aux planteurs de lancer leurs semis de façon sereine, sachant que cette culture, coûteuse en moyens, expose les planteurs à des risques financiers importants. De nombreux betteraviers et industriels se détournent de la production, un risque majeur à l’heure d’une nécessaire relocalisation de nos approvisionnements.

Peut-on réellement faire sans les néonicotinoïdes ?

Aujourd’hui, non si l’on croise les critères d’efficacité et d’opérabilité. Les solutions alternatives examinées scientifiquement par l’Institut technique de la betterave (ITB) nécessitent encore des travaux : insectes auxiliaires, génétique, extraits de plantes, plantes compagnes…

Pourra-t-on se passer des néonicotinoïdes ?

Assurément, oui. Outre la lutte directe contre les pucerons, transmetteurs du virus de la jaunisse, l’agronomie sera la clé de voûte avec des méthodes alternatives. Pour consolider les solutions à l’étude, les connaissances acquises par l’agronome de l’Inra Francis Chaboussou (2) nous dirigent vers la nutrition des plantes dans un contexte où les sols sont fatigués par nos pratiques. Il a été démontré que les pullulations de pucerons sont, entre autres, liées à la forte présence d’azote sous forme de nitrates dans la sève des plantes. Des formes d’azote de nouvelle génération, sous forme d’amides, sont l’une des pistes qui donne des résultats. De façon combinatoire, nous pouvons agir par la nutrition foliaire et racinaire sur l’efficacité de la synthèse des protéines des plantes qui est un autre facteur clé de résistance. Nutrition des plantes et santé des cultures sont les deux faces d’une même médaille. Certes, l’impact négatif des produits phytosanitaires sur les écosystèmes ne doit plus être sous-estimé afin d’en réduire la portée. Mais, de grâce, ne tuons pas la filière avant que les solutions ne soient là !

(1) Dunod 2020.

(2) Également auteur de « Santé des cultures » et de « Les plantes malades des pesticides ».