Quelles sont les principales conclusions de votre étude sur la diversification végétale et les bioagresseurs ?
Cette étude est une synthèse basée sur une analyse des recherches menées à l’échelle mondiale. Elle montre que la diversification végétale est, dans la très grande majorité des cas, efficace contre la régulation des bioagresseurs. Par ailleurs, cette diversification a des effets positifs sur la biodiversité et sur les autres services environnementaux : qualité de l’eau, qualité des sols, limitation de l’érosion et stockage du carbone. Enfin, cette diversification végétale a des effets au moins nuls, mais le plus souvent positifs, sur les rendements. Elle stabilise dans tous les cas ces rendements dans le temps et elle augmente souvent la quantité produite. Ces conclusions sont valables pour les principaux bioagresseurs des grandes cultures, de l’arboriculture et de la viticulture.
Qu’est-ce que vous appelez « diversification végétale » et « bioagresseurs » ?
Les bioagresseurs, ce sont les adventices, les insectes, l’ensemble des pathogènes qui peuvent se trouver en milieu aérien ou dans le sol. Là, la diversification végétale est efficace. Attention, il ne s’agit pas d’éliminer mais de réguler ces bioagresseurs. Alors, que veut dire diversification végétale ? À l’échelle de la parcelle, ça peut être un mélange de variétés d’une même espèce ou les cultures associés, ou encore l’agroforesterie. C’est aussi l’évolution des rotations pour amener une diversification dans le temps. À l’échelle du paysage, c’est la diversification des assolements dans une zone, des parcelles plus petites qui favorisent la biodiversité et, enfin, les éléments semi-naturels comme les haies, les bandes enherbées, les bosquets…
« L’augmentation des températures va entraîner une montée en puissance des bioagresseurs », Aude Vialatte (Inrae)
Il est assez contre-intuitif de penser que ces éléments sont favorables aux rendements. Comment l’expliquer ?
Les agriculteurs peuvent avoir l’idée que les produits phytosanitaires les sécurisent. Mais là, on parle hors changement climatique. Or, l’augmentation des températures va entraîner une montée en puissance des bioagresseurs. Là, les systèmes diversifiés deviennent plus performants, plus résilients. On reste prudent car il reste une question à laquelle notre étude ne répond pas : cette régulation des bioagresseurs est-elle suffisante par rapport aux besoins ?
Votre étude se penche aussi sur les mesures à prendre pour que les agriculteurs s’orientent davantage vers ces pratiques. Quelles sont-elles ?
Certaines de ces pratiques ont une rentabilité positive à court terme, d’autres à 5 ans. On pourrait imaginer des paiements pour services environnementaux, mais aussi un consentement supérieur à payer chez le consommateur, pour que ce ne soit pas seulement l’agriculteur qui porte le coût de la transition. Il peut aussi y avoir des subventions, au vu des bénéfices sociaux. Bref, les politiques publiques sont le levier principal. Et, on le voit avec l’échec d’Ecophyto, les incitations ne sont pas efficaces si elles ne sont pas accompagnées de taxations ou d’interdictions. Il faut aussi lever les verrous qui font que les cultures sont homogènes, alors qu’elles doivent être adaptées à chaque territoire, adapté à chaque contexte pédoclimatique. Il faut donc accompagner les semenciers dans la diversification des semences. Et le principal verrou, ce sont les coopératives, qui sont dans cette même logique d’homogénéisation et pourraient aussi chercher des débouchés pour les produits issus des systèmes diversifiés. Il faut les accompagner dans le changement. Enfin, il y a un trou béant dans le conseil aux agriculteurs.
Le résumé de l’étude est accessible sur le site de l'Inrae.