"L'approbation de la substance active benfluraline n'est pas renouvelée", voilà ce que nous a appris le Journal officiel de l’Union européenne du 23 janvier 2023. De ce fait, les États membres doivent désormais retirer les autorisations des produits phytopharmaceutiques contenant de la benfluraline au plus tard le 12 août 2023. Et tout délai de grâce accordé par les États membres devra expirer au plus tard le 12 mai 2024. Une décision pour chaque État est donc attendue sous peu.
Une situation critique notamment sur endive
Cette molécule herbicide est actuellement autorisée sur différentes cultures. Mais son retrait devrait en particulier se répercuter sur la chicorée industrielle et l’endive. "Sachant que la molécule était en mauvaise posture, nous avions évoqué le sujet de la benfluraline en septembre 2022 au ministère de l’Agriculture et en présence du ministre", se remémore Philippe Brehon, producteurs d’endives dans le Pas-de-Calais et coprésident de l’Union des endiviers.
"Nous n’étions pas contre son retrait mais demandions simplement qu’on nous laisse le temps pour trouver des solutions de substitution au sein de l’Apef (Association des producteurs d’endives de France). Nous sommes un peu écœurés car le ministre nous a dit de ne pas nous inquiéter car ils allaient nous soutenir. Au final, la décision est tombée comme un couperet. Et aujourd’hui, nous n’avons pas de solutions de remplacement !", poursuit-il.
Pas d’alternatives équivalentes
"Nous nous servons essentiellement du Bonalan (180 g/l de benfluraline appliqué en présemis incorporé) comme antidicotylédone, notamment pour venir à bout des chénopodes, rappelle Régis Catteau, directeur technique à l'Apef. C'est un produit primordial pour désherber l'endive car actuellement, en prélevée comme en postlevée, il n'existe aucun autre produit aussi efficace."
Une molécule esten cours de recherche, mais sans avoir les mêmes résultats que la benfluraline. Elle ne sera pas prête pour 2024, 2025, ni 2026 a priori. La seule solution à disposition reste donc le désherbage thermique.
"Nous sommes également producteurs d’endives bio et utilisons déjà le désherbage thermique, qui ne fonctionne pas à 100 %. Et il faut compter 350 €/ha pour un passage (sur 3 à 6 mètres de largeur seulement), qui est conditionné à des conditions optimales pour fonctionner un minimum. En outre, il devient très compliqué de trouver des bras pour aller enlever les chénopodes dans les champs", ajoute l’endivier.
Moins de producteurs d’endives à l’avenir ?
"Je serai content de remplacer le Bonalan, mais il demeure le plus efficace sur chénopodes. Or nos parcelles en sont envahies !", insiste Philippe Brehon, qui estime que si demain il n’y a pas des produits de substitution, les endiviers pourront être comptés sur les doigts de la main. Et d'ajouter qu’il fait appel à des agriculteurs pour produire des racines sous contrat : "Ils nous ont clairement dit que s’il n’y a plus de Bonalan, ils allaient mettre des céréales plutôt que s’embêter à embaucher des gars pour arracher des chénopodes ! Et nous ne trouverons plus non plus de producteurs de racines !"
L'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments) consulte actuellement les différentes filières touchées par ce futur retrait. Et sa décision concernant lesdates exactes d'interdiction de commercialisation et d'utilisation des produits à base de benfluraline est désormais attendue. « Le 12 mai 2024 correspond à la date butoir européenne. Mais attention, l'Anses pourrait finalement être plus "vert" que la décision européenne et l'interdiction intervenir plus tôt ! » rappelle Régis Catteau.