Le 24 janvier 2023 à Bruxelles, l'association Sauvons les abeilles et les agriculteurs, un collectif de 140 associations environnementales, a présenté devant les commissions de l'agriculture et de l'environnement du Parlement européen les résultats de son initiative citoyenne européenne qui vise à une réduction de 80 % des produits phytosanitaires de synthèse en 2030 et leur arrêt total en 2035. Leur pétition a réuni 1,1 million de signatures.
Une initiative citoyenne européenne
L'initiative citoyenne européenne est un dispositif prévu par le droit européen depuis le traité de Lisbonne de 2007. Il consiste, pour un groupe d'au moins sept personnes, à réunir en un an plus d'un million de signatures de citoyens dans au moins sept États membres.
La Commission européenne n'est pas obligée de suivre l'avis exprimé mais, dès que la barre du million est franchie, elle est tenue de décider de l'action à entreprendre. Elle doit communiquer sa décision dans un délai de six mois. Le suivi peut prendre la forme d'une proposition de loi, qui doit ensuite passer par le Conseil et le Parlement, ou une action parmi tout un éventail de mesures non-législatives.
Restauration de la biodiversité
Outre l'arrêt des pesticides de synthèse à terme, l'initiative demande aussi des mesures pour la restauration de la biodiversité et des paysages, ainsi qu'un soutien aux agriculteurs dans la transition écologique. Lors de la présentation de la pétition, le céréalier de l'Eure Jean-Bernard Lozier a témoigné de son changement de modèle en ce sens dans sa ferme de l'Eure.
Débat sur la souveraineté alimentaire
Le dépôt de cette initiative se place dans un contexte européen qui balance entre la réduction de l'usage des produits phytosanitaires et la souveraineté alimentaire. D'un côté, la Commission européenne a proposé de réduire de moitié l'usage des produits phytosanitaires en 2030 ; de l'autre côté, un groupe de 19 États a demandé lors du conseil de décembre 2022 une étude d'impact à la Commission pour une telle proposition, en particulier en tenant compte des effets de la guerre en Ukraine.
Les soutiens de la pétition, dont les députés français Bernard Biteau et Pascal Canfin, s'affichaient assez confiants à la sortie de leur présentation devant les députés européens (vidéo en français et en anglais).
Le devenir de l'initiative
De précédentes initiatives citoyennes européennes ont concerné l'agriculture. Interdire le glyphosate, en 2017, n'a pas donné lieu à une législation mais la Commission avait retenu d'autres éléments de la pétition. En 2021, le Parlement a pris une résolution à la suite de l'initiative demandant l'interdiction des cages dans les élevages. Cette mesure a été reprise dans le pacte vert et se traduira par une législation sur les conditions d'élevage à la fin de 2023 après la phase de consultation.
Le même jour que le dépôt de la pétition, la Commission européenne a publié une révision de sa propre initiative sur la protection des pollinisateurs de 2018. Parmi ses nouvelles propositions, celle qui concerne les produits phytosanitaires ne vise pas leur élimination mais "l'atténuation de leurs effets sur les pollinisateurs".