Les résistances de populations d'altises aux traitements qui se développent dans certaines régions, couplées à la disparition de certaines matières actives, conduisent à des infestations critiques de larves à l'automne, d'autant plus si le climat est doux. Pour Terres Inovia, la tolérance de la culture aux attaques larvaires repose, entre autres, sur un colza robuste, bien implanté, "avec une croissance continue tout au long de l'automne et une reprise au printemps la plus précoce et dynamique possible", détaille Luc Champolivier, de Terres Inovia.
"L'apport d'azote minéral au semis ou en végétation à l'automneest un levier pour atteindre cet objectif. Pas pour booster le rendement, mais bien comme outil de lutte", insiste-t-il.
Dynamique de croissance différente
Les essais de Terres Inovia, conduits en 2021 et 2022, dont les résultats étaient présentés le 15 novembre 2022 à Guichainville, dans l'Eure, ont en effet montré qu'un apport de 30 unités au semis ou de 30 unités d'azote en végétation permet un gain de biomasse à l'entrée de l'hiver et un gain d'azote absorbé.
Si la valorisation de ces deux types d'apports est équivalente, les dynamiques de croissance sont quant à elles différentes : la croissance est plus active à partir d'octobre à la suite de l'apport en végétation par rapport à l'apport au semis. "On veut un colza qui pousse vivement pendant la deuxième partie de l’automne, là ou le colza est particulièrement sensibles aux infestations larvaires, rapporte Luc Champolivier.
Par ailleurs, sur la base des quantités d’azote absorbé, les risques de perte d’azote par lixiviation à l’automne ne semblent pas supérieurs en cas d’apport en végétation par rapport à l’apport au semis. "Ce résultat est confirmé par les mesures de reliquats d’azote minéral du sol à l’entrée de l’hiver", précise l'ingénieur.
Un levier interdit en zone vulnérable
Sans être systématique, l'apport d'azote en végétation, dans certaines situations, aiderait le colza à être plus tolérant. L'apport de 30 unités d'azote à l'automne est néanmoins interdit en zone vulnérable actuellement, en raison du risque de pollution par les nitrates.
C'est pourquoi Terres Inovia se bat, dans le cadre du septième programme d'actions national sur les nitrates (PAN), pour que cet usage soit autorisé, sous conditions. Initialement prévue en septembre 2021, la mise en application du PAN est prévue pour septembre 2023.
"Cet été, une consultation du public a été réalisée sur un texte n'incluant par l'apport d'azote à l'automne en végétation, déplore Luc Champolivier. Cela fait deux ans qu'on pousse cette solution."
Proposition de texte de Terres Inovia
Terres Inovia a, dans ce sens, fait une proposition de texte pour ce programme d'actions, incluant la possibilité de faire des apports de 30 unités en végétation entre le stade 4 feuilles, "pour être sûr que le colza est bien implanté",et le 15 octobre, "pas plus tard pour éviter les risques de non-absorption de l'azote", décrit Luc Champolivier, et dans plusieurs situations :
- Quand la disponibilité en azote du sol pendant l'automne est limitée, c'est-à-dire où il n'y a pas eu d'apport de fertilisants azotés de type I ou II (1), avant le 1er septembre;
- Quand le semis a été réalisé avant le 25 août, c’est-à-dire où on risque d'avoir un gros colza à l'automne, avec une forte croissance et absorption, et un risque d'épuisement de la réserve en azote du sol et de stagnation de croissance, poursuit l'ingénieur.
Et enfin dans les situations répondant à au moins l'une de ces trois conditions :
- Implantation du colza après un précédent céréale à pailles avec résidus de culture enfouis;
- Fréquence historique d’apport de fertilisants de types I et II inférieure à une année sur trois;
- Sols à faible disponibilité en azote (précisés par le programme d’actions régional).
"Un arbitrage interministériel, qui doit permettre de réétudier cette question, est en cours, ou bien terminé et nous n'avons pas encore de nouvelles, confie Luc Champolivier. Nous avons eu des échanges en septembre avec des chargés de mission au ministère, mais pour eux, l'apport d'azote au semis suffit puisqu'on obtient la même biomasse à l'entrée de l'hiver. Ils passent complètement à côté de cet aspect "croissance plus active" pendant la deuxième partie de l'automne."
(1) exemple de fertilisants de type I : fumier (sauf fumier de volailles) et composts stabilisés ; exemple de fertilisants de type II : lisiers, purin, fientes de poules pondeuses comportant moins de 65 % de matières sèches.