Après six mois de travail, 47 auditions et trois déplacements, le rapport de la mission d’information parlementaire sur les pesticides vient d’être rendu public. Ce texte, avec ses cinq priorités et 35 propositions, « n’apporte pas des solutions miracles mais montre un cap qui permettra avec le concours de la science et de la recherche d’augmenter la qualité des produits alimentaires et surtout de mieux préserver la qualité de l’eau de l’air et des sols », estiment les deux corapporteurs Gérard Menuel (Les Républicains) et Didier Martin (La République en marche).

« Nous souhaitons que nos préconisations soient entendues et aient des conséquences pratiques », ajoute Didier Martin. D’ailleurs, le rapport devrait bientôt être remis au ministre de l’Agriculture Stéphane Travert, qui a proposé d’engager la discussion sur ces propositions. Parmi les mesures phares proposées par la mission :

  • L’instauration d’une prime à la casse pour le remplacement du matériel de pulvérisation des produits phyto ayant 25 ans d’âge ;
  • L’interdiction de l’utilisation du glyphosate dans sa fonction dessiccative ;
  • La mise en place d’un dispositif national de surveillance des pesticides dans l’air ;
  • La création d’un fonds d’indemnisation des victimes de produits phyto ou encore l’étude de six substances actives (glyphosate, bentazone, métazachlore, prosulfocarbe et S-métalochlore, mancozèbe) identifiées comme préoccupantes pour la santé humaine et la biodiversité…

De la poudre aux yeux

Si Éric Thirouin, secrétaire général adjoint à la FNSEA, se réjouit de la teneur de ce rapport qui tend à « trouver des solutions plutôt que des interdictions », ce n’est pas le cas des ONG. « L’usage dessiccant est déjà interdit, c’est vraiment de la poudre aux yeux ! » réagit Carmen Etcheverry, chargée de l’agriculture pour l’ONG FNE (France Nature Environnement), qui dénonce également un « rétropédalage » sur le glyphosate.

Générations Futures réagit jugeant un rapport qui « n’est pas à la hauteur des enjeux de santé et d’environnement liés aux pesticides ! Sur certains points, il est même en recul par rapport à certaines orientations officielles comme sur les pesticides les plus préoccupants cités dans un rapport récent de l’IGAS pour lesquels les parlementaires demandent… de nouvelles études alors même que leur dangerosité avérée est reconnue par les autorités européennes ! Sur le glyphosate également, le rapport est en recul par rapport aux déclarations du président de la République en ne préconisant pas la sortie du glyphosate et en ne proposant que l’interdiction d’un usage minoritaire et en demandant de nouvelles études ! »

Par ailleurs, sur la création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytosanitaires, pour mémoire il existe déjà une proposition de loi du PS adoptée au début de février au Sénat, contre l’avis du gouvernement. Quant à la mise en place d’un dispositif national de surveillance des pesticides dans l’air et à la fixation d’un seuil de détection des produits phytopharmaceutiques, ATMO France, qui fédère les associations de surveillance de la qualité de l’air, avait déjà annoncé à la fin de novembre une campagne de mesure des phytos dans l’air en 2018.

Pas d’idées reçues

Au sujet de Delphine Batho, qui a annoncé jeudi sa démission de la vice-présidence « parce que le projet de rapport ne prône pas la sortie du glyphosate ni même son interdiction dans trois ans » et qui estime que le rapport relativise l’impact des pesticides, les corapporteurs ont indiqué se baser sur des données précises ajoutant que les affirmations des agences peuvent être discutées et auront peut-être besoin d’études complémentaires.

« Nous n’avons pas politisé la mission et avons travaillé en bonne intelligence avec tous les membres de la mission, de gauche, de droite, des Républicains… ajoute Gérard Menuel. Je pense qu’à un certain moment, il y a peut-être certaines personnes qui veulent donner un impact politique personnel aux conclusions de la mission, mais je ne vais pas commenter le comportement d’une des missions de la vice-présidence et de la mission d’une de nos collègues. On l’a fait sans idée reçue : on sait très bien que des intrants en agriculture peuvent perturber l’environnement qu’ils soient d’origine naturelle ou chimique. »

Le glyphosate en question

En ce qui concerne le glyphosate, les corapporteurs indiquent que la question a été politiquement réglée par le président de la République qui a fixé un délai de trois ans pour arrêter son usage et maintenir quelques pratiques sans solutions alternatives (environ 10 %).

Toutefois, ils indiquent qu’il faut démontrer la dangerosité du produit afin que la France puisse appliquer sa décision politique, l’arrêt du glyphosate, en respect du règlement européen qui prévoit que si la Commission européenne n’a pas suspendu l’autorisation de la substance, un pays membre peut prendre des mesures provisoires et conservatoires à condition d’apporter des éléments probants.

« On est très clair sur le glyphosate ! Avoir des idées arrêtées et totalement définitives amène souvent vers des impasses, commentent finalement les corapporteurs. Ce qu’il faut, c’est trouver à chaque problème, des solutions respectueuses de l’environnement, à des coûts raisonnables. »

C.F.