Depuis leur semis, les céréales, colza et protéagineux ont reçu des cumuls de pluies très excédentaires, avec parfois plus de 200 mm par rapport à la normale. Et si l’adage dit « après la pluie, le beau temps », cette année, c’est plutôt « après la pluie, encore la pluie, puis la neige et enfin le gel ». De quoi tester la résistance des cultures d’hiver ! La véritable estimation des dégâts, s’il y en a, se fera à la reprise de la végétation.
Si le gel ne devrait provoquer que peu d’impact, là où l’étendue des dégâts sera à chiffrer, c’est dans les zones où les cultures sont encore sous l’eau comme en bord de Seine en Normandie (lire encadré p. 19).
1 Apport d’azote et soufre en céréales
Ailleurs, des zones de céréales jaunies par asphyxie racinaire, en raison de l’hydromorphie, et par manque d’azote peuvent être observées. Les abats d’eau enregistrés depuis décembre ont pu conduire les reliquats d’azote dans le sol vers des valeurs plus faibles. « Il faudra intégrer cette baisse dans la dose d’azote totale à apporter », note Christine Le Souder, ingénieure Arvalis. Elle conseille aussi d’attendre un ressuyage et un réchauffement pour que la plante soit poussante afin de réaliser le premier apport (après les désherbages dans les parcelles sales). Le soufre a également été soumis à un lessivage et des carences peuvent être observées sous forme de foyers ou bandes de jeunes feuilles jaunies. Un apport pourra être réalisé courant tallage lors du premier apport azoté.
Côté maladies, la météo est plutôt une alliée alors que les plantes, étant affaiblies, sont plus sensibles. « La pression rouille jaune et oïdium est très faible car les spores ne peuvent voler lorsqu’il pleut beaucoup, explique Jean-Yves Maufras, ingénieur Arvalis. Concernant la septoriose, il est encore un peu tôt pour estimer la pression, mais cette maladie n’aime pas les excès d’eau. Quant au piétin verse, si les conditions hivernales étaient plutôt favorables à son développement, de plus en plus de variétés tolérantes sont utilisées. »
Conclusion : cette année, comme la précédente, ne sera pas précoce en termes de maladie. « On peut retarder le premier traitement jusqu’au stade 2 nœuds, voire au-delà », préconise l’ingénieur.
2 Peu d’impact sur colza
En colza, Laurent Jung, de Terres Inovia Grand Est, nous a fait un bilan sur sa zone : « Les températures froides ont eu des conséquences très limitées sur cette plante, actuellement en reprise de végétation, avec seulement quelques feuilles gelées. Les boutons que l’on peut observer sont encore peu sensibles au froid : la situation n’est pas préoccupante. D’autant plus que cette année, il n’y a pas eu d’élongation préhivernale, phénomène qui peut altérer la résistance au froid. C’est un point important qui donne un avantage aux cultures par rapport aux gelées de 2012 », explique-t-il. Une vague de froid en provenance de Russie est cependant attendue en fin de semaine et pourrait causer des dégâts, notamment dans l’Est (Alsace, Franche-Comté). La couche de neige protectrice ayant fondu, les cultures sont directement exposées.
L’excès d’eau dans certaines parcelles est aussi un point de vigilance pour Terres Inovia, et notamment les dernières pluies qui se sont abattues sur des terres encore peu ressuyées. Des conditions qui pourraient asphyxier les racines si elles étaient amenées à se prolonger. En revanche, la situation sanitaire est bonne, avec peu d’insectes.
3 Protéagineux encore résistants
Les récents épisodes neigeux et l’arrivée de températures négatives (jusqu’à - 8 °C dans certaines régions) ne devraient pas provoquer de gros dégâts sur pois et féverole. Les cultures, en sont encore à des stades jeunes, plus résistants aux températures négatives. En effet, avant l’initiation florale, le pois et la féverole peuvent respectivement résister à des températures de -15 °C et -12 °C. Au-delà de ce stade, les cultures peuvent présenter des dégâts de gel à partir de températures minimales de l’ordre de - 5 °C. Cette transition correspond au stade 5-6 feuilles chez le pois, actuellement aux environ de 4-6 feuilles. Les féveroles atteignent ce seuil à 6-7 feuilles, et n’en sont en ce moment qu’à 2-4 feuilles.
Attention, cependant, aux conditions de développement dans des sols très humides, pouvant entraîner une plus grande sensibilité des protéagineux aux risques mécaniques de cisaillement par action du gel. Les déchaussements en sols de craie ou argilocalcaires sont également à surveiller, comme pour les autres cultures.
Les brûlures au bord des feuilles, qui évoluent par la suite en nécroses du haut vers le bas de la plante, sont les premiers signes que la culture a souffert du gel. Celles-ci n’apparaissent cependant qu’avec le redoux, quelques semaines plus tard. Il est néanmoins possible de réaliser un diagnostic précoce (lire onglet p. 18).
Pour semer les cultures de printemps, orge, maïs, protéagineux (lire p. 35), betteraves, lin…, il est urgent d’attendre. Pour l’orge, si les dates recommandées par Arvalis se situent entre le 15 février et le 15 mars, le premier critère à prendre en compte est d’attendre un ressuyage correct des sols.