L’affaire « Bibeyran », c’est la procédure judiciaire menée depuis six ans par Marie-Lys Bibeyran, sœur de Denis Bibeyran, contre la Mutualité sociale agricole (MSA). Une « véritable métastase sur l’étiquette des vins de Bordeaux », dit-elle. En octobre 2009, son frère, salarié viticole dans le Médoc, est décédé des suites d’un cholangiocarcinome (cancer des voies biliaires intra-hépatiques). Il était tractoriste et « effectuait des applications de pesticides depuis plus de 20 ans », indique Marie-Lys Bibeyran dans un communiqué de presse paru le 6 juin 2017, à la veille d’une audience à la cour d’appel de Bordeaux pour laquelle elle a sollicité une mobilisation, « en solidarité avec tous les professionnels victimes des pesticides ».

Depuis 2011, Marie-Lys Bibeyran a tenté sans succès plusieurs actions devant les instances de la MSA pour faire reconnaître le cancer de son frère comme maladie professionnelle. Le 7 janvier 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass) de Bordeaux a rejeté la demande de reconnaissance de maladie professionnelle. Mais souhaitant allant jusqu’au bout de la procédure, et prête à épuiser toutes les voies de recours possible, elle a fait appel.

Une maladie non inscrite dans les tableaux de la MSA

Faisant suite à cela, la cour d’appel de Bordeaux a ordonné, le 16 avril 2015, une expertise médicale afin d’établir un lien de causalité éventuel entre les produits phytosanitaires utilisés par Denis Bibeyran durant trente ans de carrière dans la vigne et sa maladie.

Bilan de l’audience du 7 juin 2017 à la chambre sociale de la cour d’appel : « Les experts médicaux ont conclu que le cholangiocarcinome dont souffrait M. Bibeyran ne correspond pas à la maladie visée au tableau des maladies professionnelles (du régime agricole) : l’adénocarcinome hépatocellulaire », a expliqué à l’AFP maître François Lafforgue, avocat de la famille Bibeyran.

Des témoignages à l’appui

Pour autant, « ces conclusions ne sont pas rédhibitoires, a affirmé maître Lafforgue. À charge pour nous maintenant d’apporter la preuve du lien de causalité », poursuit-il, citant « notamment les témoignages des collègues de M. Bibeyran ». Ceux-ci, présents dans le dossier dès le début de l’affaire, décrivent par exemple Denis Bibeyran crachant du sang après avoir traité les vignes avec de l’arsénite de soude, ou encore les types de tracteurs utilisés pour les traitements, non équipés pour limiter les expositions.

Marie-Lys Bibeyran « est toujours déterminée, a souligné maître Lafforgue, avec toutefois deux frustrations : les carences de conservation de certains échantillons médicaux qui auraient permis de préciser le diagnostic, et l’impossibilité d’obtenir des employeurs [de Denis Bibeyran] la liste des produits utilisés, qui serait utile pour établir un lien de causalité ».

La cour d’appel de Bordeaux rendra le 21 septembre prochain sa décision sur la reconnaissance éventuelle d’un lien de causalité entre l’utilisation de produits phytosanitaires et le cancer rare dont est décédé Denis Bibeyran. Si le lien de causalité est reconnu, cette affaire, qui a capacité à faire jurisprudence, pourrait ouvrir la voie à d’autres demandes.

A. Cas. avec l’AFP