«En 2017, je me suis retrouvé seul pour faire tout le travail à la fromagerie. Auparavant, nous étions deux. J’ai dû chercher des solutions pour gagner du temps, tout en réduisant la pénibilité du travail », explique Vincent Bibbeau, chevrier à Bugarach, dans l’Aude.

Pour les fromages à pâte lactique, il faisait cailler le lait dans des seaux de 18 litres, qu’il posait sur la table d’égouttage avant de prélever le caillé avec une louche et de remplir les moules un par un. « Aujourd’hui, j’utilise des bacs de caillage hémisphériques de 73 litres, que je déplace sur un support à roulettes jusqu’à la table, poursuit-il. Je n’ai plus à soulever les seaux. Et je suis à la bonne hauteur pour prélever le caillé sans avoir à lever les bras, ce qui fatigue moins les épaules. »

L’éleveur s’est équipé de répartiteurs permettant de remplir trente moules à la fois. « Avec une pelle à brie, je prélève le caillé en gros blocs, sans le casser, ce qui respecte le cahier des charges de l’appellation pélardon, précise-t-il. Puis, je fignole la répartition à la louche. » Pour 100 litres, le temps de travail est de 15 à 20 minutes, contre 30 précédemment, car il a moins de gestes à faire.

Cuve surélevée

Vincent a installé une plateforme pour surélever la cuve destinée à la fabrication des tommes. Deux marches lui permettent d’être à la bonne hauteur : l’une pour trancher le caillé, l’autre pour surveiller le brassage, qui se fait désormais mécaniquement. « Avant, cette cuve était posée au sol, ajoute-t-il. Je devais me courber davantage et garder la position plus longtemps, car je brassais à la main. C’était fatigant pour le dos. »

Désormais, une fois le brassage achevé, il installe la table devant la cuve, sous la vanne de vidange, et fait couler le mélange de caillé et de petit-lait dans six moules, remplis en même temps grâce à un répartiteur. « Auparavant, j’évacuais d’abord le petit-lait, puis je posais les moules un par un dans la cuve pour les remplir de caillé à la main », raconte-t-il. Il fallait ensuite sortir les moules et les poser sur la table d’égouttage.

Pour alléger le travail en cave, Vincent a également acquis une machine à brosser les tommes. Grâce à tous ces équipements, qui lui sont revenus à 10 000 €, il a gagné deux heures de travail par jour. « Je démarre la traite à sept heures du matin et, à midi, j’ai fini la transformation, confie l’éleveur. En fin de journée, je n’ai pas à traire à nouveau, car je suis en monotraite durant toute la saison. Je reviens juste pour retourner les fromages, ce qui prend une demi-heure. »

Le travail reste malgré tout intensif. En 2019, Vincent a souffert d’une tendinite au coude droit. « La pelle à brie soulève plus de poids de caillé que la louche, ce qui tire plus sur les tendons, explique-t-il. J’ai fait de la rééducation cet hiver. Désormais, j’alterne les deux mains pour manier la pelle. »

Dans un deuxième temps, l’éleveur prévoit d’investir dans un lactoduc, qui conduira le lait depuis la salle de traite jusqu’à un tank placé en hauteur, afin de remplir facilement les bacs de caillage par gravité. Pour l’instant, il transporte le lait dans des bidons de 20 litres. « J’en porte un de chaque côté, pour équilibrer la charge », note-t-il. Et afin de prévenir les problèmes de dos, il fait des exercices de gainage tous les soirs : « Cela ne prend que 5 à 10 minutes, et c’est efficace. »

Frédérique Ehrhard