Déshabiller Pierre pour habiller Paul. C’est, en somme, le sentiment partagé des syndicats de salariés agricoles après les annonces gouvernementales pour essayer d’apaiser la colère des manifestants. De multiples prises de parole, tantôt du Premier ministre Gabriel Attal, tantôt du ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, tantôt du président de la République Emmanuel Macron se sont succédé à la fin de janvier. Les mesures annoncées étaient destinées à répondre à la lourdeur administrative, au trop-plein de charges et aux difficultés de rémunérations auxquelles font face les agriculteurs.
Mais des syndicats et organisations représentatives s’inquiètent des répercussions sur les salariés agricoles. Dès le 23 janvier, la CGT observait, dans un communiqué, des « revendications justifiées » contre un système régi par des « agrobusinessmen et des multinationales qui dominent le système alimentaire mondial ».
Mais « répondre aux défis posés ne passera pas par un nouvel abaissement des normes environnementales et de la déréglementation sociale en agriculture », défend le syndicat. Au contraire, « la rémunération par les prix reste au centre des préoccupations de la grande masse de la paysannerie », face à des lois Egalim qui « se succèdent et démontrent leur inefficacité ».
Le relèvement du TO-DE dans le viseur
« Sur le plan social, ce sont les salariés qui vont trinquer », s’alarme la CGT dans un communiqué de presse diffusé le 1er février pointant la pérennisation du TO-DE dans le projet de loi de finances pour 2024. L’exonération appliquée surtout pour les bas salaires (désormais jusqu’à 1,25 fois le Smic relevé par le Premier ministre), « smicardise et précarise toujours plus le salariat agricole ».
Dans un communiqué daté du 2 février, la CFDT Agri-agro, premier syndicat, s’est également inquiétée de la pérennisation d’un dispositif qui « enferme l’emploi salarié agricole dans la précarité ». Leur crainte, partagée par la CFTC, c’est que les mesures gouvernementales destinées à soulager les exploitants pénalisent les salariés agricoles.
Effectivement, le Premier ministre Gabriel Attal a fait part le jeudi 1er février de sa volonté de « lancer un chantier sur la simplification du droit du travail », en particulier en donnant « une plus grande automaticité des dérogations à la durée légale du travail pendant les périodes de moissons, une sécurisation des entreprises “donneuses d’ordre” et la désignation de salariés compétents en matière de santé-sécurité au travail ».
« Simplification du droit du travail »
Des mesures agricoles, « au détriment des salariés », répond la fédération de l'agriculture de la CFTC dans un communiqué du 2 février. Les organisations syndicales représentant les salariés agricoles n’ont « toujours pas été consultées par le Premier ministre, ni le ministre de l’Agriculture », observe le syndicat, qui espère que le chantier sur la simplification du droit du travail sera mené « de concert » avec les organisations syndicales.
De son côté, l’Association des salariés agricoles de France a maintenu son « soutien » aux agriculteurs, dans un communiqué du 31 janvier. « Nous ne pourrons parler d’indépendance alimentaire sans rémunérer les agriculteurs et les salariés agricoles au juste prix », soulignait l’association. Elle appelle à la « formation de salariés agricoles et par la promotion des métiers » pour faire face aux difficultés de recrutement dans le secteur, en partie à cause d’une faible rémunération et des conditions de travail difficiles.
Le 24 janvier dernier, le député André Chassaigne (PCF) a présenté une proposition de loi à l’Assemblée nationale pour renforcer les droits et conditions de travail des salariés agricoles. Le député espère qu’une partie des propositions sera reprise dans la loi pour le renouvellement des générations dont la présentation a été décalée pour y intégrer de nouvelles mesures.