Si vous êtes coopérateur, cette qualité emporte un engagement d’utiliser les services de la coopérative, dont la fourniture d’engrais, le cas échéant. La nature de cet engagement fait l’objet de controverses juridiques. « Il semble que l’on peut aujourd’hui le qualifier de contrat-cadre. En conséquence, les contrats d’exécution, comme ici la vente d’engrais, sont régis à la fois par le droit commun et par les statuts et le règlement intérieur de la coopérative », décrypte François Moulière, avocat associé au cabinet Avoxa à Rennes.
En droit commun, l’offre de contracter « comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation », selon l’article 1114 du code civil. Un contrat de vente suppose ainsi une offre claire sur la chose et sur le prix, et l’acceptation de celle-ci par le cocontractant (article 1583 du code civil). « Au sens strict, en droit commun, une simple réservation d’engrais auprès d’un fournisseur, sans accord formel sur le prix et sur la chose (type d’engrais, quantité), sans signer de contrat ni de bon de commande ne vaut pas vente : il s’agit d’une invitation à entrer en pourparlers », explique l’avocat.
Lorsque le fournisseur est une coopérative, il faut aussi tenir compte des dispositions particulières qui s’appliquent à ces structures. « En adhérant à une coopérative, l’agriculteur consent à des statuts et, très souvent, à un règlement intérieur. Ces documents contractuels qui engagent l’agriculteur peuvent par exemple fixer la manière de déterminer le prix des fournitures (ici l’engrais) et prévoir une exclusivité d’approvisionnement », détaille François Moulière.
« Dans un tel cas, le prix devient déterminable : il existe ainsi par anticipation, entre l’agriculteur adhérent et la coopérative, un accord sur la chose, ici de l’engrais, et le prix. La simple réservation d’engrais par un adhérent qui est tenu par ailleurs par le statut et le règlement intérieur peut valoir commande ferme de cet engrais aux conditions fixées par anticipation. » Il convient donc d’examiner avec attention ces documents en les récupérant auprès de votre coopérative.
On peut ajouter que la Cour de cassation retient parfois qu’une offre peut être acceptée tacitement par son destinataire si elle est conforme aux relations habituelles entre les parties ou en présence d’un courant d’affaires antérieur. « Il faut donc également examiner la manière dont les précédentes commandes ont été passées. Dans le cas précis, se pose toutefois la question de la preuve de l’existence du contrat. Cette preuve doit être rapportée par la coopérative (« charge de la preuve »). Si la réservation est simplement orale et que la livraison est immédiatement contestée par l’adhérent, la coopérative aura probablement des difficultés à prouver l’existence du contrat et ne pourra donc pas facturer la “réservation”, » analyse l’avocat.
En cas de litige, c’est le tribunal judiciaire qui tranchera. Nous vous conseillons de vous rapprocher d’un avocat dans ce cas.