Selon Patrick Aps, directeur général de Natup, la journée de lundi 16 mars 2020 a vu la conjonction de deux phénomènes : le retour du beau temps et la progression du coronavirus. Cela a entraîné un vent de panique chez les agriculteurs qui se sont rués vers leurs fournisseurs pour sécuriser leur approvisionnement en intrants.
Pas de rupture pour l’instant
Interrogé sur l’avenir des approvisionnements de Natup, le directeur général ne peut faire aucune prévision. « Pour le moment, pas de rupture » mais la situation évolue jour par jour, presque heure par heure. « Malgré tout, on est sur le sujet en permanence. »
« C’est très tendu, mais il n’y a pas de pénurie pour l’instant, confirme Philippe Ballanger, directeur de terrain de la coopérative Océalia en Nouvelle-Aquitaine. Nous continuons à livrer les commandes de morte-saison. Pour les besoins liés au contexte sanitaire des parcelles, nous demandons aux agriculteurs d’appeler le responsable de site afin de caler un rendez-vous. » Aucun des sites de la coopérative n’est fermé à ce jour mais les horaires sont aménagés. « Si l’épidémie venait à s’étendre en Nouvelle-Aquitaine, avec du personnel malade dans les prochains jours, nous serions obligés de fermer des dépôts avec le risque de ne pas pouvoir tenir nos engagements envers les adhérents. »
Des manques sur certains insecticides pour le colza
Hervé Courte, directeur général de la coopérative Île-de-France Sud, explique de son côté : « Nous avions chargé nos dépôts de façon importante car nous savions que, dès que les conditions seraient bonnes, les agriculteurs, bloqués depuis plusieurs semaines à cause des mauvaises conditions climatiques, allaient venir s’approvisionner en nombre. En une seule journée, on a sorti l’équivalent d’un mois d’appros ! Le coronavirus n’a fait qu’accélérer les choses. » Il observe des manques pour certains insecticides sur colza, du fait de la pression des méligèthes, mais « ils sont facilement substituables. » Pour les semences de maïs, l’agriculteur ne repart pas forcément avec la variété initialement choisie s’il s’y est pris au dernier moment après un retournement de parcelle notamment.
Les big-bags et le transport, deux points à surveiller
« Ce qui nous préoccupe, ce ne sont pas les intrants mais les contenants, et en particulier les big-bags qui proviennent majoritairement de la Pologne », précise également Patrick Aps, qui évoque la possibilité de faire plus de vrac.
Autre point à surveiller : le transport international. Les infrastructures de service (restaurant, hôtel…) pour les routiers étant majoritairement fermés, certains chauffeurs ne veulent plus se déplacer.
Le gouvernement vient cependant de prendre des mesures pour résoudre ce problème.
Les #routiers font partie de la grande chaîne #logistique qui permet à l’économie de la France de tenir debout.
— J-Baptiste Djebbari (@Djebbari_JB) March 19, 2020
Pour eux, nous rouvrons toutes les stations services et progressivement leurs points de restauration.
Les mesures barrières continuent évidemment à s’appliquer. pic.twitter.com/Lo4c2Gek6J
« Si le transport tombe, tout tombe », alerte Philippe Ballanger. Pour l’instant, l’approvisionnement en produits d’agrofourniture (engrais, phytos, semences) depuis les sites de fabrication vers les sites de distribution ne connaît pas trop de difficulté. « Mais nous sommes tributaires du transport routier, s’inquiète Philippe Ballanger. Et c’est très compliqué depuis deux jours. »
Craintes sur le réapprovisionnement
La fermeture potentielle de certains sites de production de phytos ou d’engrais inquiète aussi les opérateurs, avec les conséquences que cela pourrait poser en ce qui concerne le réapprovisionnement en cours de campagne. Le manque de disponibilité en molécules pour formuler les produits phyto est un autre problème soulevé.
Concernant le conseil de terrain, les tours de plaine sont maintenus mais les conseillers le font seuls et transmettent un compte-rendu à l’agriculteur. « Les outils de traçabilité des préconisations sont assurés », explique Philippe Ballanger.