À l’instar du nouveau président de la République, Emmanuel Macron, vous prônez une Europe qui protège. Mais ça signifie quoi ?
Michel Prugue, président de la Confédération nationale de la Mutualité de la coopération et du crédit agricoles (1) : Derrière le mot protection, on peut en effet mettre beaucoup de considérants. Se protéger, pour se défendre, repousser ? En réalité, ce qu’il faut comprendre, c’est que dans le contexte nouveau de la mondialisation, se protéger correspond à notre capacité à répondre à la concurrence ou à d’autres éléments et contraintes que l’on ne connaissait pas jusqu’alors. Concrètement, la protection s’inscrit dans les accords internationaux : l’Europe ne doit pas rester ouverte aux quatre vents et l’agriculture ne doit pas être une monnaie d’échange contre d’autres enjeux…
Dans la politique agricole commune, c’est aussi trouver des outils face aux fluctuations liés aux aléas climatiques, sanitaires, économiques, voire politiques. La protection, c’est également protéger l’agriculteur contre cette peur permanente de la sanction administrative qui entrave son esprit d’action. Le terme protection dans l’Europe, c’est permettre aux uns et aux autres d’entreprendre dans un risque soutenable. C’est-à-dire : rester très offensif mais aussi faire que, en cas d’incident de parcours, une entreprise ne soit pas laissée au sol, sans capacités ou moyens de se relever.
Comment parvenir à « protéger » et rester compétitif ?
Il faut que tous les outils social, juridique… de protection ne soient pas une entrave au dynamisme et à la compétitivité des entreprises. L’Europe est exportatrice, elle doit donc à un moment donné parvenir à créer de la richesse sur ses exportations pour soutenir son modèle européen, mais sans se créer des contraintes qui l’empêcheraient d’être compétitif à l’exportation.
Ces deux concepts de protection/compétition ne sont-ils pas contradictoires ?
Les États-Unis font concrètement la démonstration de leur compétitivité, c’est pourtant un pays protectionniste qui défend des thèses libérales. La compétitivité, la protection, voire une vision libérale, ça n’est pas contradictoire… C’est un équilibre permanent à trouver, en fonction des événements géopolitiques qui se passent dans le monde.
Mais je pense que ce qui est important quand on parle de protection, c’est d’abord de penser aux femmes et aux hommes qui sont sur notre territoire européen, et faire en sorte qu’entre eux déjà, entre les différents pays européens, il y ait l’équité… L’objectif est d’avoir une convergence économique forte qui donne la puissance nécessaire pour être respecté sur le plan international.
Et ce qui est important surtout, c’est de ne pas laisser penser que seul on sera mieux. On peut l’être un instant, mais pas sur le long terme : il faut défendre la force de la cohésion et de la mise en commun. Et d’ailleurs notre mouvement le montre depuis des décennies : le mutualisme et la coopération, même si tout n’est pas parfait, c’est bien la force d’agir ensemble qui nous permet de toujours avancer, malgré les difficultés.
À l’égard des agriculteurs et des coopératives, quelle action prioritaire doit mener le nouveau président de la République ?
Tout d’abord, il est important de considérer les entreprises de l’agroalimentaire et les exploitations agricoles comme des vraies entreprises. Et donc, de nous donner, comme aux autres, les moyens d’améliorer notre compétitivité par la baisse des charges. Ça n’est pas la suppression des charges que nous prônons, mais le transfert, à d’autres endroits, des prélèvements nécessaires au financement de nos différents systèmes de protection. Par ailleurs, le président doit stimuler chacun sur ses capacités à entreprendre, et instaurer le plus rapidement possible, comme il l’a promis, « le droit à l’erreur » administratif. C’est d’une dynamique offensive dont nous avons besoin.
(1) La Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles (CNMCCA) réunit quatre composantes : Groupama, la MSA, Coop de France et le Crédit Agricole.