Les cours des matières premières agricoles ont fort à faire actuellement alors que la scène internationale est chahutée. Les turbulences interviennent aussi bien du côté de la géopolitique que de la météo, ce qui naturellement apporte de la nervosité. Sur le terrain, le début des récoltes dans l’hémisphère Nord va catalyser les regards.

Yoyo à l’aube de la récolte

Le marché du blé retombe dans ses travers et réalise un nouveau plus bas, proche des 195 €/t sur l’échéance de septembre d’Euronext. Après un retour sur la zone des 210 €/t, porté par le rachat des opérateurs financiers, les fondamentaux ont rapidement repris le dessus.

Suiveurs du contexte international, les cours du blé ont d’abord absorbé la tension au Moyen-Orient, grimpant dans le sillage des prix du pétrole notamment. Ce dernier a brutalement chuté dès lors que Donald Trump a annoncé qu’un cessez-le-feu allait être mis en vigueur. Il n’en fallait pas plus pour emmener avec lui les matières premières agricoles et notamment le blé. Sur la scène macroéconomique toujours, la parité de l'euro par rapport au dollar marque des plus hauts depuis octobre 2021, à plus de 1,17.

Dans le même temps, les inquiétudes quant à la qualité des blés américains à la suite des récentes précipitations s’amenuisent peu à peu. D’ailleurs, la récolte parvient à s’accélérer, avec 19 % des blés d’hiver moissonnés contre 10 % la semaine passée. Le retour d’une météo plus clémente offre une fenêtre de tir aux producteurs qui font état de rendements corrects pour le moment. Dans le reste de l’hémisphère Nord, les moissons sont également imminentes avec pour rappel, 84,8 millions de tonnes attendues en Russie, 12,2 millions de tonnes en Roumanie ou encore 21,6 millions de tonnes en Ukraine.

En France, les températures au-dessus des normales de saison sont scrutées de près par les producteurs. D’ailleurs, les conditions de cultures baissent, selon Cereobs, passant de 70 % la semaine passée à 68 % désormais. Pour autant, les premiers échos des rendements en orge montrent selon les zones quelques espoirs.

Enfin, du côté des échanges, les derniers appels d’offres ont une nouvelle fois mis en avant le manque de compétitivité des origines hexagonales vis-à-vis de la concurrence.

Les récoltes s’accélèrent en France

La moisson des orges s’active en France et sur le bassin de la mer Noire notamment. Alors que les premiers échos sont hétérogènes en Russie, les retours de la plaine en France sont beaucoup plus optimistes. Bien que les éparses précipitations apportent des écarts habituels selon les régions, le cru 2025 apparaît tout de même comme bon à l’échelle nationale. Les températures élevées étant arrivées en toute fin de cycle, les orges d’hiver ne semblent pas avoir été impactées dans la majorité des cas. Selon Cereobs, 22 % des surfaces sont récoltées, soit une avancée précoce par rapport aux 13 % habituels.

La pression récolte, combinée à la baisse des prix du blé, oblige les cours de l’orge à se replier sous la zone psychologique des 180 €/t à Rouen. L’emballement baissier se constate aussi sur la prime physique qui a décroché en raison du manque d’intérêt acheteur constaté sur la scène internationale à l’heure actuelle. Bien que des bateaux chargent à destination de la Chine dans les ports hexagonaux, cela est le reflet d’anciens courants d’affaires.

Dans le monde, la concurrence sera rude en céréales fourragères alors que la récolte de maïs est annoncée abondante sur les États-Unis. Du côté de l’orge, l’Ukraine affiche pour l’heure une excellente compétitivité, comme souvent à cette période de l’année et ce, pour faire de la place avant l’arrivée des maïs à l’automne.

Du côté de l’orge brassicole, les fortes chaleurs sont sous surveillance mais Cerebos laisse inchangé le pourcentage d’orge de printemps jugé dans un état bon à excellent, à 67 %. Pour autant dans le reste de l’Europe, la situation s’est nettement améliorée, ce qui se ressent sur les prix à Creil qui chutent, notamment sur les variétés d’hiver.

Nervosité ambiante

Le colza enregistre de nouveau une forte volatilité sur ses prix, avec pas moins de 30 €/t d’écart entre le plus haut et le plus bas de ces derniers jours sur Euronext. Le marché réagit vivement à la situation au Moyen-Orient et évolue dans le sillage du pétrole qui a connu un pic à 78,40 $ le baril avant de retomber proche des 65 $ le baril. Naturellement, ces mouvements d’exagération ne sont pas spécifiquement la conséquence des fondamentaux mais bien d’ajustements de positions de la part des opérateurs financiers.

Pour autant, du côté de l’offre et de la demande, c’est vers le Canada que les regards sont actuellement tournés puisque le manque de précipitations est sous le feu des projecteurs. À l’heure où le bilan du pays ne permet pas d’incident climatique, la levée est rendue délicate par l’absence de pluies. D’ailleurs, les cours sur Winnipeg atteignent des prix historiquement élevés, à plus de 700 CAD/t. Les pluies annoncées dans les prochains jours seront décisives pour cette région du monde.

En France, l’optimisme affiché suite à la floraison a perdu de sa superbe. Les températures élevées et le manque de précipitations ces dernières semaines inquiètent les producteurs sur le poids de mille grains et donc sur le rendement. Les prochains jours apporteront des éléments de réponse.

Enfin, sur le volet réglementaire, le changement proposé en Allemagne quant à la nature des huiles concernées par le crédit carbone dans l’industrie du biodiesel apporte son lot d’incertitudes mais également de fermeté.

Les tourteaux de soja toujours sous pression

Les tourteaux de soja restent sous pression et n’en finissent plus de chuter. Même le sursaut des prix lors de l’incident au Moyen-Orient n’a pas impacté ce marché. Il faut dire que les fondamentaux restent peu porteurs, avec une offre toujours conséquente.

L’Amérique du Sud concentre des disponibilités importantes quand dans le même temps, les Américains sont confiants quant à la prochaine production. Comme la semaine passée, ce sont 66 % des sojas des USA qui sont notés dans de bonnes à excellentes conditions.

Au-delà de l’offre, en graine, les volumes triturés pourraient être plus importants dans les prochaines années, ce qui naturellement engendrerait davantage de tourteaux. En cause, la nouvelle proposition de l’agence de l’énergie aux États-Unis (EPA), visant à augmenter les taux d’incorporation des produits issus de l’agriculture du continent américain. Il n’en fallait pas plus que les marchés des huiles et de la graine s’affolent même si le soufflé est retombé puisque le vote n’est pas encore passé.

Bien que la situation entre Israël et l’Iran catalyse les regards, les échanges de Donald Trump avec Ursula von der Leyen ou encore avec Xi Jinping auront leur importance à moyen terme.

(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.

À suivre : évolution de la parité de l'euro par rapport au dollar, respect du cessez-le-feu entre l’Israël et l’Iran, évolution de la météo au Canada, avancée des récoltes dans l’hémisphère Nord, rapport de l'USDA sur les surfaces, notamment en maïs, évolution de la position des fonds, tant sur Chicago que sur Euronext, règlementation de l’agence de l’énergie américaine et de l’industrie allemande.