Le retour de la demande en blé est à mettre à l’actif du changement de direction du marché. Égypte et Algérie émettent tous deux un appel d’offres qui pourrait être marqué pour le premier par un volume historiquement élevé. En colza, les risques climatiques ressurgissent au Canada alors que les cultures arrivent en fin de cycle.
La récolte française de blé au plus bas depuis 41 ans
Le marché du blé s’est légèrement replié cette semaine, en baisse hebdomadaire de — 3,50 €/t pour s’afficher à 217,50 €/t en base juillet rendu Rouen. Plus généralement, les cours se stabilisent entre 215,00 €/t et 225,00 €/t depuis mi-juin.
Sur le terrain, les récoltes progressent à travers l’Europe. Cette semaine, Argus Media a publié son estimation de production de blé tendre en France à 25,17 millions de tonnes, soit une baisse de 9,9 millions de tonnes par rapport à l’an passé. Les pluies continues depuis les semis ont entraîné une baisse conjointe des surfaces et des rendements, entraînant ce niveau de production sur les plus bas depuis 1983. Le ministère de l’Agriculture reste pour le moment plus conservateur à 26,32 millions de tonnes. Quoi qu’il en soit, les volumes disponibles à l’exportation s’annoncent limités en France, et plus largement en Europe de l’Ouest.
Pour autant, ces pertes ne semblent pas suffisantes pour relancer significativement le marché à court terme. Il faut dire que le blé russe est aujourd’hui plus compétitif à la suite des récoltes. La production de blé en Russie devrait être proche de 83 millions de tonnes et les exportations se dynamisent. En juillet, 3,6 millions de tonnes ont été chargées au départ des ports russes, contre 2,8 millions de tonnes en moyenne ces cinq dernières années. Il sera intéressant de suivre cette dynamique dans les prochains mois, à l’heure où la demande internationale est de retour.
Pour la première fois, l’Égypte, via l’office égyptien d’achats de céréales (Gasc), a lancé un appel d’offres qui s’étale sur 6 mois jusqu’en avril, pour un volume maximum de 3,8 millions de tonnes. Le résultat de cet appel d’offres est attendu le 12 août 2024 et pourrait être déterminant pour l’évolution des cours. Dans le même temps, l’Algérie a également profité du repli des prix mondiaux pour acheter entre 700 000 et 800 000 tonnes de blé, majoritairement d’origine russe selon les opérateurs du marché. Ce retour de la demande apporte de la stabilité sur les prix mondiaux.
Des rendements en orges décevants
La récolte française d’orges n’échappe pas aux déboires climatiques de cette année 2024. Avec un rendement moyen décevant à 5,8 t/ha, Agreste révise la production d’orges d’hiver à 7,17 millions de tonnes, contre 9,69 millions de tonnes l’an dernier. La situation est similaire en Allemagne. Et bien que la demande domestique soit pour le moment soutenue, la demande export reste peu dynamique en ce début de campagne.
Si quelques navires français chargent pour la Chine, les volumes vendus ne sont pas encore assez importants. C’est ainsi que la prime fourragère se stabilise à — 30 €/t à Rouen depuis plus d’un mois. L’orge fourragère reste donc suiveuse du blé, et perd 5 €/t pour revenir à 185,00 €/t rendu Rouen.
Du côté des orges de printemps, la récolte française progresse malgré les épisodes orageux de ces dernières semaines. Désormais 74 % des surfaces ont été moissonnées selon FranceAgriMer, soit moins que les 96 % de l’an passé à la même période. Les retours terrains sont hétérogènes sur l’Hexagone, mais une déception se dessine sur les rendements, tant en orges brassicoles d’hiver que de printemps. Pourtant, un surplus de disponibilités est toujours attendu après la hausse des surfaces d’orges de printemps de 28 % sur un an à 573 000 hectares selon Agreste.
Le ministère de l’Agriculture estime à 3,23 millions de tonnes la production française des variétés de printemps, contre 2,59 millions de tonnes un an plus tôt. À présent, les opérateurs tournent leur attention vers la production du nord de l’Europe. Or, la pluie retarde le début de la récolte aussi bien au Danemark qu’en Suède. Cet excès de précipitations devrait même se prolonger sur les deux prochaines semaines. Dans ce contexte, acheteurs comme vendeurs européens sont attentistes et les cours évoluent peu. L’orge de printemps FOB Creil ne cède que 4,00 €/t à 255,00 €/t sur les quinze derniers jours.
Récolte ukrainienne de colza inférieure aux précédentes attentes
Les perspectives de production de colza se finalisent en Europe continentale. Pour commencer du côté de l’Ukraine, la moisson touche à sa fin. Le rendement final se dessine vers les 2,8 t/ha. Entre la baisse des surfaces et des rendements inférieurs à l’an passé, la production ukrainienne pourrait ne pas dépasser les 4 millions de tonnes soit une baisse de plus de 500 000 tonnes par rapport à la précédente campagne. Le bilan européen se retrouve fragilisé par cette moindre performance de l’un de ses principaux fournisseurs.
L’Europe est d’autant plus sensible que sa production locale se stabilise sous les 19 millions de tonnes. En France, Agreste reconduit dans son rapport du mois d’août son estimation de 3,94 millions de tonnes. Cela représente à l’échelle française une baisse de plus de 8 % par rapport à l’an dernier.
Face aux pertes en Europe, le Canada sera un acteur majeur dans l’équilibre des bilans mondiaux de graine de colza. Après les perturbations de la mi-juillet, une nouvelle vague de chaleur se profile à 8 jours alors que les cultures entrent progressivement en fin de cycle. Ainsi, la graine de canola retrouve du soutien et permet le rebond des prix de la graine de colza en France. Après une chute de 50 €/t en l’espace de deux semaines, la graine de colza Fob Moselle finit par rebondir de 20,00 €/t pour atteindre 469,00 €/t.
Les opérateurs surveilleront la semaine prochaine les nombreuses publications telles que celles du MPOB (Malaysian Palm Oil Board), de la Conab (Compagnie nationale d’approvisionnement du Brésil) et enfin de l’USDA (ministère américain de l’Agriculture). Le mois d’août marquera également le début des semis de colza en Europe et en Ukraine qui pourraient en cas de surfaces décevantes alimenter encore un peu plus la tension déjà en place.
Tourteaux de soja au plus bas depuis novembre 2021
La volatilité s’est accentuée cette semaine sur l’ensemble du complexe oléagineux. En effet, une panique boursière s’est emparée d’un bon nombre d’opérateurs. Après la publication en fin de semaine dernière de données inquiétantes sur le marché de l’emploi aux États-Unis, les marchés financiers se sont repliés en premier temps, ainsi que le pétrole et le dollar. La parité eurodollar est ainsi remontée à 1,09, contre 1,08 il y a 8 jours, accentuant la pression sur les tourteaux côtés en euros. Si l’effet de panique s’est dorénavant atténué, la fragilité n’en reste pas moins présente.
À cet environnement macroéconomique s’ajoutent les perspectives de production de soja toujours rassurantes aux États-Unis. La part des surfaces de soja américain en bonnes ou excellentes conditions grimpe à 68 %, soit 14 points de plus que l’an passé à la même période. Si le mois d’août reste clé, les prévisions météorologiques sont pour le moment rassurantes. Il sera important de suivre si l’USDA révise son bilan américain ce lundi. Du côté de la demande, la trituration domestique reste soutenue, et les ventes à l’export se dynamisent enfin. La graine US est attractive vis-à-vis de la graine brésilienne, ce qui lui permet de stimuler quelque peu l’intérêt acheteur de la Chine. La pérennité de ce flux sera toutefois primordiale pour limiter la pression baissière sur ce marché.
Dans ce contexte, le tourteau de soja délivré Montoir tombe sous les 400 €/t sur le spot pour la première fois depuis la mi-novembre 2021. Il conviendra cependant de rester prudent au retour des grèves sur les sites de trituration en Argentine, grand exportateur mondial de tourteaux de soja.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
À suivre : Nombreux rapports la semaine prochaine : MPOB, CONAB, USDA ; Résultat de l’appel d’offres du GASC ; ProFarmer tour sur les perspectives de production de maïs aux US ; Risques météorologiques au Nord de la Russie et en Amérique du Nord ; Parité eurodollar ; Marché du pétrole.