Dans un contexte de pression récolte, les opérateurs restent partagés entre des fondamentaux lourds et un regain de compétitivité redonnant espoir aux exportateurs.
Retour de la compétitivité pour la France
Dans un marché partagé, le blé rendu Rouen parvient à afficher un léger rebond en s’approchant de 190 €/t, niveau abandonné début septembre. La chute de l’euro face au dollar à 1,1540, au plus bas depuis deux mois est sans conteste un élément en faveur de la compétitivité des blés européens. Depuis la récolte en France, le blé cherche des parts de marché sur la scène internationale, entraînant son prix sur des plus bas de campagne en touchant les 185 €/t rendu Rouen début octobre. Le blé français devient ainsi parmi les moins chers au monde notamment face à la mer Noire, redonnant aux exportateurs de l’espoir et des opportunités.
En plus de la traditionnelle destination marocaine, des navires ont pu être confirmés sur l’Égypte, la Tunisie, la Libye ou encore l’Afrique subsaharienne. Ces affaires sont pour le moins nécessaires dans le contexte actuel, avec pas moins de 7,6 mégatonnes attendues à l’export selon Argus pour la campagne. Sans l’Algérie cette année encore, l’équilibre du bilan sera délicat, avec un stock actuellement attendu à plus de 4 mégatonnes par Argus, soit un plus haut depuis plus de dix ans. En mer Noire, les flux peinent à atteindre les zones portuaires, amenant une certaine fermeté sur les prix russes à court terme. Mais l’arrivée des flux en provenance de l’hémisphère sud, notamment d’Argentine sur la destination marocaine pourrait engendrer une nouvelle pression baissière sur les cours.
Du côté de la prochaine campagne 2026-2027, les semis sont en cours dans l’hémisphère nord et feront l’objet d’un suivi attentif dans les semaines à venir. Selon Argus, une baisse de 5 % des emblavements est attendue aux États-Unis, en raison de la faiblesse des prix et de retards potentiels dans les semis au Kansas, liés aux récentes précipitations. Ailleurs dans l’hémisphère nord les semis d’hiver se sont déroulés sans incidents majeurs, mais les conditions climatiques hivernales resteront l’objet de toutes les attentions.
En manque de données sur le maïs
Le maïs tire profit des nombreuses incertitudes du marché en marquant une hausse de + 6 €/t depuis le début du mois à 183 €/t rendu Bordeaux base juillet. En Europe, la dégradation du potentiel a beau être intégrée par le marché, avec une estimation désormais à 55,5 mégatonnes selon Argus, la déception sur les retours de rendements n’en est pas moins inquiétante à court terme. Au fur et à mesure que la récolte avance en France, les déceptions de production dans l’ouest et le sud-ouest de la France apportent un certain soutien au cours sur Euronext, qui rebondit de + 4,75 €/t depuis le début de semaine sur l’échéance novembre 2025 à 186,75 €/t.
À cela s’ajoutent des flux entrant sur le Vieux continent qui peinent à se concrétiser, alors que le besoin d’imports pour la campagne est estimé à 23 mégatonnes, soit au plus haut depuis 2022. Cette relative tension de bilan sur le Vieux continent n’est toutefois pas suffisante à moyen terme, alors que la pression récolte américaine approche. À Chicago, les opérateurs avancent dans l’inconnu en cette période de shutdown qui dure maintenant depuis neuf jours.
La publication du rapport mensuel USDA très attendue jeudi soir est reportée, de même que les taux d’avancée des récoltes aux États-Unis. Dans l’attente de nouvelles données, les cours consolident autour des 4,20 $/bu à Chicago. La récolte record attendue à 427 mégatonnes selon l’USDA le mois dernier devra trouver preneur, dans un contexte de tensions commerciales avec bon nombre d’opérateurs. La pression récolte risque donc d’entraîner les prix à la baisse faute d’une demande dynamique, dans un contexte de grandes disponibilités au niveau mondial.
Le colza reste très volatil
C’est sans conteste sur le marché du colza que le rebond est le plus prononcé cette semaine, avec une hausse de + 10 €/t à Moselle pour regagner les 473 €/t, soit le niveau de fin septembre. Les actualités ne manquent pas sur le marché du colza, qui oscille au gré de l’évolution des flux à l’international. L’Ukraine, premier fournisseur de graines du Vieux continent, annonçait il y a une semaine et après de nombreux doutes, l’exemption de la taxe à l’export de 10 % de la graine ukrainienne. Après un effet d’annonce plutôt baissier, les cours ont inversé la tendance, lorsque les opérateurs ont pris conscience des difficultés logistiques à l’export. Face aux perturbations liées à ces taxes, les flux sont ralentis, de quoi tendre légèrement le bilan Europe à court terme.
Les importations européennes sont ralenties elles aussi, alors que dans le même temps, le biodiesel parvient à regagner de la fermeté, offrant aux triturateurs une amélioration des marges. Cette bonne dynamique de demande sur le marché du biodiesel pourrait toutefois n’être que de courte durée, alors que le pétrole réagit déjà à la baisse face aux perspectives de paix au Moyen-Orient.
De plus, le bilan colza sur la scène internationale s’annonce globalement confortable et ce, alors que le Canada puis l’Australie bénéficient de bonnes récoltes. Au Canada, les travaux des champs sont en cours avec de bonnes perspectives, tandis qu’en Australie les indices de végétation n’ont cessé de s’améliorer durant les dernières semaines. Du côté des flux, le Canada fait face à la perte du marché chinois, auquel s’ajoutent maintenant les Émirats arabes unis, après le retrait de la taxe douanière de 5 % en Australie. Ces pertes de parts de marché pour le canola à Winnipeg entraînent une tendance baissière sur les cours, pénalisant à moyen terme le complexe. Ces éléments sont toutefois compensés à court terme par une certaine tension sur les huiles, entraînée par l’huile de tournesol, dont le bilan tend à se resserrer.
L’Argentine souffle le chaud et le froid sur le soja
Le complexe soja continue d’évoluer au gré de la situation et des annonces géopolitiques. Le bilan confortable aux États-Unis, avec plus de 114 mégatonnes attendues selon Argus, est maintenant bien intégré par le marché, et les regards sont désormais tournés vers la macroéconomie, et en particulier les tensions géopolitiques entre les États-Unis et la Chine. Une 5e rencontre entre les deux pays est en effet attendue dans moins d’un mois, avec comme principal espoir pour les Farmers américains, une reprise des flux à l’export vers cette destination majeure. Dans cette attente, l’administration Trump a annoncé la semaine passée un programme d’aide au secteur entre 10 et 14 milliards de dollars, dont les détails sont encore attendus.
Cette situation aura profité à l’Amérique du Sud en affichant un record d’exportations pour la période à plus de 7 mégatonnes en septembre. Dans le Mato Grosso, les semis sont en avance et atteignent 15 %, mais des conditions plus sèches et plus chaudes pourraient freiner les levées et impacter le bon développement des cultures. Le climat sera donc à suivre dans les prochaines semaines. Dans ce contexte international chahuté, les tourteaux de soja sur Montoir ont cédé du terrain pour revenir sur la zone des 311 €/t, proche des plus bas de campagne.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire
(2) À suivre : Négociations commerciales et tarifaires entre les États-Unis et la Chine ; évolution de la parité euro/dollar ; activité de chargement et de ventes à l’export au départ de la France en blés et en orges ; avancées des récoltes de maïs en Europe et aux États-Unis.