Sans surprise, le bilan économique du second trimestre de 2024 n’est pas brillant pour les concessionnaires de matériels agricoles. Dans son point de conjoncture économique révélé à la presse ce 13 décembre 2024, le Sedima (syndicat des distributeurs de matériels agricoles) pointe une tendance baissière qui confirme le ralentissement de la demande déjà observé au premier semestre de 2024.

D’importantes disparités régionales

Sur le matériel neuf, les ventes en grandes cultures sont en baisse de 10 % par rapport à l’an dernier tandis qu’elles décrochent de 8 % en polyculture-élevage. Le secteur de la viande est celui qui s’en sort le mieux. Alexandre Mortier, président du Sedima, pointe toutefois d’importantes disparités régionales.

Ainsi, la Région des Hauts-de-France, portée par les marchés de la pomme de terre et du lin, connaît des baisses de commandes plus modérées. Du côté du service après-vente, l’activité du magasin de pièces détachées est stable tandis que le chiffre d’affaires de l’atelier progresse, dopé par la volonté des agriculteurs de faire durer leur matériel au lieu de le renouveler.

Problèmes de trésorerie

Selon l’enquête de conjoncture du Sedima, 60 % des concessionnaires estiment que le marché va encore reculer au premier semestre de 2025, et tous notent des prises de commandes orientées à la baisse. En plus de l’évolution du marché, la gestion des stocks et la trésorerie font partie des principales préoccupations des concessionnaires en cette fin d’année.

« Comme toujours, les concessionnaires sont pris en étau entre les constructeurs qui réduisent leurs délais de paiement et les agriculteurs qui ont du mal à régler leurs factures, résume Anne Fradier, la directrice générale du Sedima. Quand les premiers exigent d’être payés sous 30 jours, les délais peuvent atteindre 40 à 50 jours chez les clients. »

Dans ces conditions, plus des deux tiers des concessionnaires déclarent avoir une trésorerie difficile, voire très difficile en décembre 2024.

Difficultés sur l’occasion

Du côté des stocks, c’est surtout l’occasion qui pèse. « Tous les concessionnaires se sont attachés à vider leurs stocks de matériels neufs, pour des raisons évidentes de trésorerie, détaille Alexandre Mortier. Afin d’atténuer un peu l’augmentation du prix des machines pour nos clients, nous avons repris du matériel plus cher que sa valeur. »

« Nous avons ainsi chargé nos parcs d’occasion avec des engins assez chers qu’il est compliqué de vendre, en particulier avec la conjoncture actuelle », poursuit-il. Ainsi, 41 % des adhérents du Sedima ont désormais des difficultés pour financer leur stock de matériel.

Appréhender une nouvelle concurrence

Pour la première fois ce semestre, l’intensité concurrentielle est mentionnée parmi les préoccupations principales des concessionnaires. Elle fait même une entrée fracassante dans ce palmarès en se classant en cinquième position. Pour l’Alexandre Mortier, la montée de cette préoccupation est « sûrement due à la concentration des réseaux de distribution et à l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché qui ont d’autres pratiques pour liquider leurs stocks ».

Ces nouveaux acteurs, ce sont des poids lourds de l’automobile comme BPM et Emil Frey ou du transport (Haag) qui investissent dans de grosses concessions agricoles. « Ils n’ont pas la rentabilité qu’ils espèrent dans l’automobile et le poids lourd et ils croient dans l’agricole », analyse Anne Fradier.

Mais le Sedima garde un œil sur cette pratique qui a tendance à s’amplifier depuis un an. « Entre ces investisseurs avec des codes différents et les constructeurs qui imposent toujours plus de contraintes aux concessionnaires, certains pourraient renoncer à vendre des tracteurs et se concentrer sur les matériels tractés », prévient Alexandre Mortier. Une décision déjà prise par certains.

Attention à la maintenance

« Quand des gens investissent dans notre secteur, ils croient dans les possibilités d’y gagner de l’argent, ce qui est plutôt sain, rappelle Anne Fradier. Mais il ne faut pas oublier que l’enjeu, c’est le service de proximité. Même s’il y a des roues et un moteur sur un tracteur comme sur une voiture, les méthodes de l’automobile ne peuvent pas faire un copier-coller avec l’agricole. Les changements de modèles ne doivent pas se faire au détriment de la maintenance. » Affaire à suivre.