Depuis cinq ans, toutes catégories confondues, on observe une augmentation des prix de vente au kg de viande ou à l’animal pour les broutards. Alors cette embellie des prix profite-t-elle aux résultats des exploitations d’élevage en bovins à viande ?

Forte dispersion, pour tous les systèmes

Ce que les experts du service de veille économique de CerFrance relèvent, c’est que les écarts de revenus entre les éleveurs se creusent ces dernières années.

« On constate une amélioration continue des résultats, mais le groupe de queue n’améliore pas ses performances alors que le groupe de tête engrange les bonis des prix attractifs », analyse Jacques Mathé, économiste rural.

En 2023, les 25 % meilleurs (quartile supérieur) atteignent un résultat courant moyen de 48 000 €/Utaf (unité de travail annuel familial), alors que les 25 % moins bons (quartile inférieur) affichent un résultat courant négatif de –4 000 €/Utaf. La moyenne se situant à 18 000 €/Utaf (chiffres CerFrance Poitou-Charentes pour 2023). Ces observations sont identiques quelles que soient les régions et quels que soient les systèmes de productions, naisseurs, naisseurs engraisseurs, veaux sous la mère…

Maîtrise des charges

C’est la somme de charges en moins et de produits en plus qui explique la dispersion des résultats. La mauvaise maîtrise des charges d’aliment a un impact fort sur les résultats des 25 % moins bons, qui sont d’autant plus impactés par l’inflation. Avec des modèles qui dégagent moins de bonis sur les produits, le poids des charges de structures et notamment de la mécanisation pèse.

L’augmentation des charges va souvent de pair avec l’augmentation de la taille des structures et ne permet pas de bénéficier de l’effet de dilution (avoir plus d’hectares avec des charges stables, permet de mieux les amortir). « C’est sournois l’augmentation de la taille de l’outil de production car cela justifie l’augmentation des charges d’équipement », décrit Jacques Mathé.

La grande taille ne protège pas

« Il y a 20 ans, dans le groupe de queue on avait des systèmes qui avaient un niveau de production trop faible, mais ce n’est plus du tout le cas. Aujourd’hui, dans ces systèmes on a des exploitations qui atteignent 200 vêlages », s’inquiète Jacques Mathé. On retrouve des exploitations de très grande taille au bord de la rupture. Une petite dégradation des produits ou une légère augmentation des charges opérationnelles entraînent des conséquences majeures. « Le coefficient multiplicateur y est très élevé car les troupeaux sont importants », explique l’expert.

Compétence métier

Plus largement, c’est souvent une question de savoir-faire, de bonnes décisions prises au bon moment. « On est dans une situation de blocage car dans le groupe de queue, les chefs d’exploitation ne prennent pas toujours les bonnes décisions, c’est un problème de compétence métier. Ce sont généralement des éleveurs qui décident seuls, peu accompagnés techniquement ou sur la gestion d’exploitation », constate Jacque Mathé.