La Ferme du Clos de la Mare porte bien son nom : un corps de ferme massif enserré par des bâtiments en pierre normande. Pourtant, l’endroit est ouvert aux allées et venues. En effet, Jean-Marie Lenfant y tient un atelier de transformation, vend ses produits à la ferme et en livraison. Jusqu’en 2000, il cultivait en système simplifié sur ses 130 hectares. Mais en 2002, il change de modèle. Il investit dans un pressoir à huile de colza puis un moulin à farine, se met à stocker et commence la vente directe.

Après 20 ans, son chiffre d’affaires (CA) s’est diversifié et il a embauché Etienne, un salarié à mi-temps. Sa clientèle s’est étoffée : grande distribution (20 % du CA), magasins de producteurs (30 %), restauration collective (20%) avec la cantine centrale de Rouen (8 500 repas par jour), mais aussi une dizaine de collèges et lycées (50 repas par jour chacun). En marge, il fournit des restaurateurs, et vend à la ferme.

 « Aujourd’hui la transformation c’est 40 % de l’EBE », se félicite-t-il. Stocker 50 tonnes de blé (pour une valeur de 13 500 €) lui permet après le moulin de dégager 100 000 € de CA. Dans la conception de l’atelier, l’espace de stockage est à prévoir, « plus grand que ce qu’on estime » selon lui. Avoir des réserves permet de transformer à la demande, y compris les mauvaises années pour garder les clients.  

Savoir se vendre

Au préalable, le paysan préconise d’étudier le marché, de visiter des fermes, même à l’étranger. Le cadre géographique du projet doit être pris en compte : « ici, entre Paris et Rouen, la clientèle n’est jamais loin », concède-t-il. En tant que président du réseau « Bienvenue à la Ferme », une émanation des Chambres d’Agriculture, Jean-Marie conseille d’y chercher l’appui réglementaire, administratif et juridique, mais aussi sur la communication et la commercialisation. « Il faut se mettre en avant, quitte à faire des concessions », répète-t-il à l’envie, la réussite dépendant de la communication sur les produits et du contact client régulier.

Du côté des financements, les régions peuvent subventionner les investissements, jusqu’à 40 %. Il est aussi possible d’obtenir jusqu’à 30-40 % d’aides dans certains départements pour la diversification des activités (maximum 10 000 €).

Il faut penser le dimensionnement de son projet pour éviter d’être dépassé. Une presse et un moulin qui fonctionnent 360 jours par an, « ça peut être lourd » à gérer.

Diversifier ses clients

Les marges sont plus faibles en restauration collective, mais « cela permet d’être visible » et « redonne un sens au territoire », déclare-t-il. Aux cantines, il limite la vente à 20 % de son CA, pour éviter tout risque en cas de non-renouvellement de contrat. « Je ne mets pas tous mes œufs dans le même panier », justifie-t-il. Le modèle est déclinable, assure-t-il. Rien qu’en décembre, « 4-5 agriculteurs sont venus visiter, avec le projet de transformer leurs récoltes et investir dans un moulin ». À l’avenir, il pense acheter un deuxième moulin à blé et lancer la production d’huile de carthame, assumant son credo : « dans une période où il faut de la résilience, la solution c’est la diversification ».