L’histoire. II est parfois des situations juridiques complexes à raconter. On est amené à rechercher des décisions de jurisprudence historiques, avec l’espoir de résoudre les difficultés. Romaric, propriétaire bailleur, avait loué son domaine important à différents locataires. Parmi eux, Danielle et la société Fournier, qui se retrouvait en dépôt de bilan. Mise en liquidation judiciaire, cette dernière ne pouvait plus exploiter. Quant à Danielle, il semble qu’elle ne disposait plus du matériel nécessaire pour son activité et qu’elle ne réglait plus ses loyers. Devant ces carences, Romaric a instrumenté une procédure devant le tribunal paritaire en résiliation et en application des articles L 411-31 et suivants du code rural.
Contentieux. Jusqu’à la fameuse ordonnance de juillet 2006, la résiliation était réglée par le statut des baux ruraux. Depuis, la législation existante a été complètement bouleversée avec l’apparition de plusieurs articles sur la résiliation. Notons que dans ce contentieux, il y avait plusieurs locataires différents pour un même bailleur. L’arrêt que nous commentons a bouleversé non pas l’appréciation du fait, mais la pensée qui occupait les juges : l’indulgence. En effet, toute résiliation n’est pas forcément génératrice de dommages-intérêts, et s’ils ont été décidés, ils peuvent être supprimés par la Cour de cassation. Le comportement d’un voisin peut être générateur de préjudice ou, au contraire, n’engendrer aucun dommage, si ce n’est une gêne pour celui qui le subit. Le législateur a ainsi cherché à distinguer les causes de résiliation pour faute, sans faute, avec profit, etc (articles L. 411-37 et suivants). En l’espèce, le dommage n’était pas établi. La cour d’appel a pourtant admis la résiliation au profit du propriétaire, avec dommage-intérêts à son profit. Je ne vous parle pas de la liquidation de biens qui a suivi son cours. L’essentiel était ici de savoir si cette résiliation entraînait des dommages et justifiait la prononciation d’une indemnité. La Cour de cassation a tranché : « En statuant ainsi sans constater que les contraventions aux dispositions des articles L. 411-37 et L. 411-39 du code rural étaient de nature à porter préjudice au bailleur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
Épilogue. Toute cette histoire a duré des années. Pour trouver une solution et entretenir les bovins – c’était le sujet de discorde – mais surtout pour contenter les juristes, on a cherché une définition judiciaire de la résiliation sans faute. Une « résiliation innocente », oserais-je dire. La législation actuelle, déjà extrêmement complexe à comprendre pour un agriculteur, et notamment l’ordonnance de juillet 2006, ne suffisait-elle pas ? Généralement, c’est le fermier qui a méconnu la règle et il sera facile de démontrer contre lui des fautes préjudiciables au propriétaire. En revanche, on voit difficilement un bailleur commettre des fautes dans ses rapports avec son locataire.