En 2020, "le gisement national de paille récoltable (1) semble assez clairement estimé à 25 millions de tonnes", rapportent les Chambres d'agriculture de France et l'Institut de l'élevage (Idele) dans une analyse rétrospective présentée au Sommet de l'élevage de 2022. Un potentiel de rendement qui tend à diminuer au fil des années en lien avec les aléas climatiques. 

Un produit prisé pour de nouveaux usages

Et "l'incertitude demeure quant à l'allocation des tonnages non utilisés par le secteur de l'élevage", relatent les experts. Car si les systèmes herbivores français en reste les principaux consommateurs, la paille est aussi prisée pour de nouveaux usages, "encore mineurs mais qui tendent à augmenter". Au développement de l'enfouissement, s'ajoute l'utilisation en tant que matériau de construction, combustible ou pour approvisionner des unités de méthanisation.

"Le recul des cheptels dans certaines zones de polyculture-élevage participe à l'augmentation des quantités fournies. Pour autant, il nous est difficile de quantifier avec précision ce volume variable d'une année à l'autre en fonction des besoins et opportunités pour chacun des acteurs", précise Olivier Dupire, coordinateur national du réseau Inosys Réseaux d'élevage, aux Chambres d'agriculture de France. 

Une autonomie en baisse dans les exploitations

D'après les données fournies par Inosys Réseaux d'élevage, les consommations de paille à l'échelle de l'exploitation, en filière herbivore, ont progressé de façon importante : +32 tonnes entre les périodes 2001-2005 et 2016-2020.  "L’évolution de certaines exploitations agricoles vers une spécialisation accrue des productions, notamment en élevage, rend leur autonomie en paille (2) plus aléatoire", expliquait le réseau des Chambres d'agriculture dans le cadre de son plan sécheresse en juillet 2022.

Entre 2003 et 2020, les systèmes herbivores français sont passés d'un niveau d'autonomie en paille de 56 à 51 %. "Cette baisse est principalement liée à l'agrandissement des cheptels et l'instabilité des rendements fourragers", poursuivent les Chambres d'agriculture de France. L’impact de la sécheresse, diminuant la disponibilité fourragère, accroît par ailleurs les recours à la paille à vocation alimentaire.

Consommation en hausse en bovins à viande

Ramenées à l'UGB, les consommations en paille semblent s'être stabilisées autour de 0,95 tonne, sauf en bovins à viande où le seuil tend progressivement vers 1,1 t/UGB entre 2001-2005 et 2016-2020. 

"Cette particularité s'explique en grande partie par l'évolution des types de bâtiments, avec un net développement des aires paillées intégrales et une proportion de logettes restant très inférieure à celle observée en bovins lait", soulève Jean Seegers, coordinateur national du réseau Inosys Réseaux d'élevage, à l'Idele.

Sur le plan économique, le coût du poste "achats de litière" a augmenté de 47 % entre 2001-2005 et 2016-2020, en lien direct avec l'évolution du prix de la paille achetée. 

Les charges pèsent davantage 

Cependant, le poids des achats de litières dans les charges courantes des ateliers herbivores est resté "assez stable (autour de 1,8 %) du fait de la hausse concomitante des autres dépenses", sauf en bovins à viande où il est passé de 2,4 à 3,5 % entre les deux périodes. 

En moyenne, les éleveurs allaitants doivent dépenser 12 € de plus par UGB pour le poste "achats de litière". Les tensions sont d'autant plus fortes en montagne et dans les zones frontalières du Benelux et de l'Italie. 

Des pistes pour réduire sa dépendance aux achats

Pour tenter de contenir les charges, des simulations ont été réalisées afin d'évaluer l'intérêt de réduire le temps de présence en bâtiment au strict minimum et la dépendance de l'exploitation aux achats de paille. Pour un cas Inosys aubrac sélection avec estive (3), le passage de 170 jours à 160 jours d'hivernage a conduit à une économie de 1,3 €/jour/UGB (hors main-d’œuvre, hors cotisations sociales), d'après la simulation. 

Également, l'optimisation des surfaces en céréales à 11,5 hectares, contre 8 hectares initialement, a conduit à une amélioration de l'EBE de l'ordre de 1 %, compte tenu de moindres achats de paille et de concentrés.

(1) Évaluation du gisement réalisé à partir des données de surfaces et rendements en grain des céréales à paille disponibles dans la base Agreste sur la période de 2000 à 2020. 

(2) Les systèmes les plus autonomes en paille ne sont pas ceux qui en consomment le moins, la consommation de paille tendant en fait à s'ajuster tant bien que mal aux capacités de l'exploitation à produire, selon l'étude. 

(3) Gaec à 2,8 UMO, troupeau de 120 vaches allaitantes, surface totale de 208 hectares dont 8 hectares de céréales, stabulation libre paillée et étable entravée, 170 jours d'hivernage, 107 tonnes de paille consommées.