L’aliment d’allaitement et le lait maternel brut ne sont pas les seules options disponibles pour l’allaitement des jeunes caprins. Dans le cadre du Partenariat européen pour l’innovation « Technique d’allaitement des chevreaux » (PEI TALC), conduit entre 2016 et 2019, la station expérimentale du Pradel a éprouvé deux modes de conservation du lait maternel : l’acidification et la thermisation.

Risques sanitaires

Pour le lait acidifié, « il faut créer un pied de cuve, indique Philippe Thorey, chargé d’études à l’Institut de l’élevage et animateur de l’association Cap’Pradel. Pour 10 litres de lait acidifié, on laisse fermenter 1 à 2 litres de lait cru avec un yaourt du commerce, ou du lactosérum, pendant 24 à 48 heures à température ambiante (15-20 °C). Ensuite, on ensemence 8 à 9 litres de lait cru avec le pied de cuve. 24 heures plus tard, le lait acidifié est prêt : 9 litres peuvent être distribués aux chevreaux, et le litre restant constitue un nouveau pied de cuve. » Sur le papier, la méthode est séduisante : peu de matériel, peu énergie requise et une seule distribution par jour (si le PH est inférieur à 5). Mais un inconvénient subsiste. « L’acidification ne bloque pas la transmission de l’arthrite encéphalite virale caprine (CAEV), des mycoplasmes ou de la paratuberculose, déplore Philippe Thorey. Cette option pourra s’envisager s’il n’y a aucun souci sanitaire sur l’élevage. Mais il y a toujours une part de risque, notamment concernant les mycoplasmes, pour lesquels il n’existe pas de statut sanitaire. » Et quitte à prendre le risque, « autant éviter de tenter l’expérience sur les chevrettes de renouvellement ».

Un autre mode de conservation permet de limiter ce risque sanitaire : le lait thermisé. Cette fois, « le lait cru est chauffé à 56 °C pendant 1 heure, puis refroidi à 25 °C pour la distribution », indique le spécialiste. Si un stérilisateur à bocaux ou un stéricolostrum peuvent faire l’affaire, un taxi-lait motorisé se révèle être un allié de taille. « Le lait thermisé est efficace contre la transmission du CAEV et des mycoplasmes, mais pas sur la paratuberculose », note Philippe Thorey. Il recommande cette technique par rapport au lait acidifié, bien qu’elle représente un temps de travail et un investissement plus importants. « Il faut deux repas par jour, pour éviter la stagnation et la mauvaise fermentation du lait dans les multibiberons », ajoute-t-il.

Une croissance similaire

Que ce soit pour le lait thermisé ou acidifié, ces méthodes permettent de valoriser du lait post-colostral non commercialisable, « qui, sans ça, serait une charge ». Les résultats de l’étude ont montré que la croissance des chevrettes allaitées avec ces laits maternels était similaire à celle obtenue avec un aliment d’allaitement classique.

Il est également possible de jongler entre les différents laits d’allaitement. « On peut commencer par du lait maternel thermisé et enchaîner avec du lait reconstitué, quand la part de lait non commercialisable baisse », précise l’expert. Finalement, « le lait reconstitué reste l’option la plus sûre sur le plan sanitaire, conclut-il. Mais le lait maternel, de préférence thermisé, peut être utilisé si la réglementation bio l’encourage, ou si l’éleveur souhaite améliorer son autonomie alimentaire et nourrir ses convictions personnelles. » Alexandra Courty

Pour plus d’informations : http://idele.fr/fr/reseaux-et-partenariats/cappradel/publication/idelesolr/recommends/pei-talc.html