« J’avais envie d’être libre, de perpétuer une tradition familiale née en 1977 et de ne pas abandonner une clientèle fidèle. » Voilà comment Nicolas Lechner, 43 ans, cuisinier de formation, explique son choix de reprendre en 2011 la ferme de ses parents, Edith et Gérard, au cœur de Pfettisheim, à quelques kilomètres de Strasbourg. Il agrandit la cuisine, le laboratoire et ajoute des plats traiteur à son offre. Tout est remis en cause en mars 2016 quand un incendie accidentel détruit l’outil et le stock. Nicolas se replie temporairement pendant deux ans dans des préfabriqués. Fin 2018, il sait qu’il aura remboursé son dernier crédit en 2041, mais le nouveau laboratoire est opérationnel. Il est construit à 300 m du village sur le site de l’élevage, au sommet d’une butte. Les parcours clôturés à oies et à canards sont parfaitement visibles au premier plan, depuis la route en contrebas.

« Tout le monde peut voir qu’il s’agit d’une petite ferme familiale où les animaux ont de l’espace. Ils peuvent sortir ou s’abriter à leur guise. Chaque individu est bien traité. Les oies sont gavées au maïs entier pendant seize jours quatre fois par jour, les canards pendant douze jours matin et soir. L’élevage est transparent sur sa manière de travailler et n’a encore jamais subi d’attaque directe de la part d’associations de défense animale », indique Nicolas Lechner, pas trop inquiet pour l’avenir de son activité qu’il juge « faire partie du patrimoine alsacien ». Lors d'une année sans grippe aviaire, il élève quelque 2 200 canards mulards par lots de 250 à 300 têtes et 400 oies grises du Périgord en fin d’année.

© H. Roy - Les oies comme les canards ont accès à un parcours grillagé de 450 m².

« J’ai eu de la chance d’avoir des oisons par un accouveur de l’Ain. J’ai commandé un peu plus de canetons en début d’année et cela m’a permis de faire un peu de stock de marchandise. Malgré un lot de canards de Barbarie arrivé pour compenser, il me manque des animaux pour novembre. Il y aura un peu de foie gras frais à Noël. Sur l’année, j’en produirai toutefois quelque 200 kg de moins », détaille l'éleveur. En temps normal, il élabore 900 kg de foie de canard et 300 kg de foie gras d’oie par an. Nicolas ne s’étend guère sur sa recette. « J’assaisonne les foies avec un mélange de 14 épices », se contente-t-il de dire.

Coup de main familial

Le mélange blé-maïs-triticale est depuis toujours fabriqué à la ferme. À partir de 2023, Nicolas va intégrer 4,5 ha de soja irrigué dans son assolement. « L’objectif est d’être autonome à 100 % », justifie-t-il. Il transforme ses animaux sur place toutes les deux semaines. Foie gras, tourtes, cuisses ou gésiers confits, terrines, rillettes, magrets, rôtis, parmentier : l’offre comporte plus de vingt produits. Pour aider au gavage, à la tuerie et à la vente, Nicolas peut compter sur le coup de main de ses parents, de Marie-Anne, sa compagne et de Fabien, son frère. En fin d’année, il embauche trois saisonniers, le premier à la production, les deux autres pour tenir un stand au marché de Noël à Strasbourg.

© H. Roy - L’offre de la ferme Lechner se compose d’une vingtaine de produits essentiellement élaborés avec de la viande de canard.

La ferme Lechner vend encore à des restaurateurs et à des revendeurs. Nicolas souhaite réduire leur part et renforcer la vente directe pour que 100 % de sa production emprunte ce circuit d’ici deux à trois ans. Marie-Anne anime une page Facebook et vient de se lancer sur Instagram. Le site de vente en ligne, créé pendant la crise du Covid, a très bien fonctionné durant un an, mais marque désormais un peu le pas. La ferme s’est fait connaître auprès des campings caristes. En décembre 2021, elle a accueilli un groupe de dix-neuf véhicules dont les occupants ont suivi un atelier « foie gras à la ferme » avant de partager un repas. Le prochain projet est de rapatrier sur le site le magasin encore tenu par Edith au village et d’aménager une salle de réception.

Le buzz créé fin 2021 par l’interdiction du foie gras aux réceptions de la municipalité de Strasbourg a mis un coup de projecteur sur la production locale. Président de l’association des producteurs de foie gras fermier Gänseliesel, Nicolas a été sollicité pour des interviews. « Tout cela nous a finalement ramené des commandes ! », sourit-il.