« Depuis 2009, nous arrêtons de traire nos abondances durant trois mois, de la mi-décembre à la mi-mars. Nous limitons ainsi les besoins en fourrages à cette période et nous produisons avant tout du lait au pâturage, qui type nos fromages fermiers », expliquent Thomas Ortiz et Frédérique Cucuillère, du Gaec Picho Canié à Escouloubre, dans l’Aude.

Le couple élève 20 abondances sur 102 hectares de parcours répartis entre 950 m et 1 500 mètres d’altitude. Le foin pour l’hiver ainsi que le concentré doivent être achetés. « Pour pratiquer la traite saisonnière, le plus délicat est d’arriver à grouper les vêlages. L’effet mâle ne suffit pas à synchroniser les chaleurs. Nous devons utiliser des hormones afin de grouper les inséminations, un taureau assurant les retours », note Thomas.

Les vêlages se concentrent ainsi sur mars. « Dès février et jusqu’en mai, nous rentrons les vaches à l’étable la nuit, alors que le reste de l’année elles restent dehors nuit et jour », précise-t-il. La lactation démarre au foin, puis le pâturage prend le relais à partir de la mi-avril. « Nous avons un pic de production en mai et juin, qui nous permet de produire des stocks de tomme pour l’été, où se concentre l’essentiel de nos ventes en direct », expose Frédérique.

Tarissement en décembre

Au fil des saisons, les laitières tournent sur des parcours autour de la stabulation. Le pâturage fournit la base de la ration, complétée durant la lactation par 4 kg/j/VL d’un aliment à 18 % de protéines avec une formule sur mesure associant blé, maïs, drèches, mélasse et tourteau de colza. Toutes les vaches sont taries en décembre. « À la fin d'octobre, nous passons en monotraite pour les préparer. Puis à partir de la mi-décembre nous les mettons durant au moins un mois sur une zone où nous gardons des stocks d’herbe sur pied », précise l’éleveuse.

Ce système est bien adapté à la disponibilité des ressources à pâturer, même si parfois il faut compléter. « Cet automne il fait très sec, il ne reste de l’herbe verte que dans les sous-bois. Nous donnons un peu de foin à la traite en plus du concentré, mais le lait baisse malgré tout », observe Thomas.

En 2022, avec une lactation de 270 jours, la production moyenne par vache a atteint 4 050 l. « Nos laitières n’expriment pas tout leur potentiel. Mais nous valorisons bien nos fromages, en tenant compte de nos coûts pour fixer nos prix. Notre tomme IGP, par exemple, est à 28,70 €/kg en vente directe. Cela nous permet de dégager une marge brute de 700 à 900 €/1 000 l », souligne-t-il.

La traite saisonnière leur permet d’avoir trois mois pour souffler. Ils en profitent pour partir un peu en vacances en famille. Frédérique consacre aussi des journées à son deuxième métier, monitrice de ski. « Nos abondances semblent également bénéficier de ce tarissement long, note Thomas. Elles ont une bonne longévité et font cinq à sept lactations sans problème. »