Les prix repartent à la hausse pour les céréales à paille et — plus modérément — le colza après le décrochage de la semaine dernière.
Rebond des prix du blé français
Les prix du blé sont repartis en hausse cette semaine sur le marché français et c’est à Rouen que la progression est la plus marquée (+6 €/t à 210 €/ en base juillet).
Les cotations sur le MATIF sont en progression également, de 5 €/t à 207 €/t pour l’échéance mars en milieu d’après-midi. Plusieurs événements sont venus soutenir les prix.
Tout d’abord, la Russie a annoncé qu’elle envisageait d’imposer des taxes à l’exportation pour stabiliser les prix alimentaires. Pour le blé, il serait question, mais rien n’est encore décidé pour l’instant, d’une taxe aux environs de 2000 roubles par tonne (27,3 $/t). La taxe pourrait être imposée en plus du quota d’exportation. Il n’est pas clair actuellement si cette taxe sera variable ou fixe et si elle s’appliquera à toutes les céréales.
Le gouvernement russe doit se prononcer sur les mesures plus précises d’ici le 14 décembre. Cette perspective (qui reste à confirmer) a été perçue comme haussière pour les exportations des origines concurrentes dont celles de l’UE.
En conséquence, et en fonction des engagements déjà connus, il apparaît d’ores et déjà que la France dépassera les 7 millions de tonnes d’exportations de blé vers pays tiers. FranceAgrimer a d’ailleurs revu en hausse sa prévision cette semaine à 6,95 millions de tonnes contre 6,85 millions de tonnes le mois dernier.
Jeudi 10 décembre 2020, l’USDA (ministère américain de l’Agriculture) a publié sa nouvelle estimation de l’offre et de la demande mondiale. L’organisme a révisé en baisse l’estimation des stocks mondiaux en raison d’une remontée de son estimation de la consommation de blé par le secteur animal en Chine et dans l’UE.
Comme dans l’Union Euorpéenne (UE), les prix américains ont été sensibles aux nouvelles russes, à la révision en baisse des stocks mondiaux, et à une révision par l’USDA des exportations de blé US ; ils ont grimpé de 5 $/t sur la semaine alors que les prix russes restaient de marbre au contraire.
La Turquie a acheté 400 000 tonnes de blé à 12,5 % en fin de semaine dernière. La Jordanie, le Japon, la Corée et les Philippines ont aussi acheté cette semaine dont 200 000 tonnes pour la Jordanie.
Une surface de blé d’hiver inférieure aux attentes selon Agreste
Sur le front de la prochaine campagne, Agreste — le service statistique du ministère de l’agriculture français — a publié ses premières estimations des surfaces emblavées. Proche de 4,7 millions d’hectares, son estimation de la surface semée en blé d’hiver se révèle basse par rapport aux attentes.
Cette estimation affiche un rebond (+12,4 %) après la catastrophe de 2020 mais reste inférieure à la moyenne des cinq dernières années. Nous prévoyons que ce chiffre sera corrigé à la hausse dans les mois à venir mais le niveau publié a été accueilli comme une surprise par le marché.
L’orge fourragère repart en hausse aussi
L’orge française fourragère s’est appréciée cette semaine, à la suite du blé d’une part mais surtout en raison d’un bilan français très tenduqui aura du mal à afficher des stocks supérieurs à 1 million de tonnes en fin de campagne.
En effet, la production française a nettement chuté par rapport à l’an dernier mais les exportations attendues demeurent élevées par rapport aux disponibilités (malgré leur chute prévue par rapport à l’an passé).
Cette situation continue de soutenir les prix dans un contexte où les disponibilités ukrainiennes s’épuisent. Le prix de l’orge fourragère rendu Rouen grimpe de 3 €/t cette semaine à 193,5 €/t (base juillet) ce qui conduit les orges françaises à un prix de 244 $/t Fob Rouen.
L’orge ukrainienne, elle, a gagné 5 $/t et vaut maintenant 240 $/t, quasiment le même prix que l’orge française alors qu’elle valait 20 $/t de moins il y a encore quelques semaines. Les deux origines vont être concurrencées par les orges canadiennes à destination de la Chine mais la demande qui continue de s’adresser à la France est importante. La Jordanie a lancé un appel d’offres pour 120 000 tonnes d’orge (origine optionnelle) et le Japon est aux achats pour 100 000 tonnes.
Statu quo sur le créneau brassicole à 205 €/t pour les orges d’hiver et 210 €/t pour les orges de printemps Fob Creil (base juillet) pour la récolte 2020.
Le maïs perd encore du terrain
Contrairement à ceux du blé et de l’orge, les prix du maïs abandonnent entre 1 et 2 €/t à 197,5 €/t Fob Rhin et 193,5 €/t sur la façade atlantique (base juillet).
Cette évolution découle d’une baisse généralisée des prix du maïs sur le marché mondial cette semaine avec un rapport USDA ce jeudi qui n’a pas apporté de modifications au bilan US. L’USDA a relevé la prévision des importations de la Chine à 16,5 millions de tonnes mais ce chiffre demeure très inférieur à la plupart des prévisions (nous les attendons à 23 millions de tonnes).
La récolte argentine a été revue en baisse à 49 millions de tonnes après la sécheresse des derniers mois mais cela était anticipé et le retour de pluies bénéfiques, pour l’instant, en Amérique du Sud est plutôt perçu comme un facteur modérateur.
Malgré leur affaissement, les prix mondiaux se maintiennent à un niveau élevé à cause de la nette chute attendue des stocks mondiaux.
En France, la récolte 2020 vient d’être revue en baisse par le service statistique du ministère de l’agriculture (-200 000 tonnes à 13,5 millions de tonnes) et FranceAgrimer a réduit son estimation mensuelle des stocks de fin de campagne. Nous estimons de notre côté que la récolte française est encore plus basse, à 13 millions de tonnes. Le bilan de maïs français n’est pas lourd du tout et cela devrait freiner la baisse des prix
Le colza tiraillé
La situation européenne du colza apparaît toujours assez tendue en 2020/21 en raison des faibles disponibilités. La demande pour la trituration est soutenue par les excellentes marges industrielles et la bonne demande en huile. En effet, nous prévoyons une hausse de la demande pour le biodiesel ainsi que pour l’usage alimentaire pour compenser le déficit marqué en huile de tournesol.
En début de semaine, les prix du colza français ont continué de s’effriter dans le sillage du soja et du canola canadien. Ce dernier a baissé de 2 $/t à 460 $/t à Winnipeg en raison principalement des ventes techniques ainsi que de la baisse du soja sur la scène mondiale. La demande pour la trituration reste toutefois dynamique dans le pays.
Les prix français sont repartis à la hausse ensuite, soutenus par des prix d’huile de palme assez ferme et une hausse marquée des cours du pétrole. En huile de palme, la tension se confirme en effet.
Le rapport du MPOB (Malaysian Palm Oil Board) rapporte une production en novembre à 1,49 million de tonnes, en baisse de 13,5 % sur un mois. Les stocks en fin novembre s’affichent à seulement 1,56 million de tonnes, un plus bas depuis 2017.
Le baril du pétrole a gagné 1,5 $ à 46,78 $. Ses cours sont dopés par l’optimisme lié aux vaccins anti-Covid, susceptible de permettre une reprise économique rapide et de relancer la demande en or noir. Le Royaume-Uni était le premier pays de l’UE à lancer une campagne massive de vaccination, commencée mardi 8 décembre 2020. D’autres pays, dont la France, devront suivre dans les prochaines semaines. En outre, aux États-Unis (USA), la campagne de vaccination est prévue pour mi-décembre.
Somme toute, les prix du colza augmentent légèrement de 3 €/t à 415,5 €/t en Fob Moselle, de 0,5 €/t en rendu Rouen et sur Euronext à 410 €/t et 408,5 €/t respectivement.
Le soja US pénalisé par les pluies en Amérique du Sud
Le prix du soja a marqué une nette baisse à Chicago. Il cède 5,5 $/t à 424 $/t pour les contrats de janvier. Cela est notamment dû à l’amélioration des conditions climatiques au Brésil et en Argentine avec le retour des pluies bénéfiques aux cultures. Des précipitations sont encore prévues dans les prochains jours. Les prix ont également été affectés par des ventes techniques ainsi que des faibles achats de soja US rapporté par l’USDA depuis quelques jours.
Par ailleurs, le dernier rapport de l’USDA sur l’offre et la demande agricole n’a pas apporté d’éléments nouveaux pour le soja. Les stocks planétaires restent attendus en forte baisse de 10 millions de tonnes à 85,6 millions de tonnes, reflétant une situation déficitaire.
Le tourteau de soja à Chicago a reculé de 9,5 $/t à 420 $/t dans le sillage de la graine et surtout suite à la nette baisse du tourteau argentin qui cède 11 $/t. Par conséquent, le prix français baisse de 5 €/t 412 €/t.
Le pois fourrager résiste à la tendance baissière du tourteau et gagne 5 €/t à 255 €/t départ Marne. Cela s’explique par une demande soutenue sur le marché français et d’une offre peu abondante.
Le tournesol français perd du terrain, hausse en Mer Noire
Le prix du tournesol français a marqué une baisse dans le sillage de l’huile à Rotterdam. À Saint-Nazaire, les cours sont en diminution de 20 €/t à 495 €/t pour la qualité standard et de 15 €/t à 485 €/t pour la qualité oléique. Les marges de trituration ont fortement reculé en décembre par rapport à novembre, mais elles restent toutefois rentables.
En Ukraine, le prix intérieur était également en baisse suite à la baisse du cours de l’huile. En revanche, le prix à l’export (Fob Mer Noire) se relève de 35 $/t à 610 $/t après la nette baisse de la semaine dernière. La situation reste particulièrement tendue dans la région en raison d’une mauvaise récolte et d’une bonne demande pour la trituration et à l’exportation.
Par ailleurs, la hausse de la taxe à l’exportation sur le tournesol en Russie a été validée par le gouvernement. Elle passe ainsi de 6 % à 30 % avec un minimum de 165 $/t pour la période du 9 janvier au 30 juin 2021. Bien que cette annonce fût attendue par les opérateurs, elle a donné un coup de pouce au prix Fob Mer Noire qui a gagné 15 $/t entre les séances du 10 et du 11 décembre.
À suivre : ventes de blé et d’orge français en seconde moitié de campagne, la possible taxation des exportations russes, l’évolution des estimations de la surface d’hiver en France, la situation des cultures de soja en Amérique du Sud, la demande chinoise, l’évolution de la situation économique et sanitaire, l’évolution des cours du pétrole, la parité euro/dollar US