Les laboratoires de recherche et développement s’intéressent depuis longtemps aux relations entre plantes et micro-organismes. L’idée : utiliser ces symbioses pour améliorer les rendements, sans augmentation des engrais. Ces dernières années, de nombreux produits revendiquant une stimulation de l’activité biologique des sols fleurissent (lire l’encadré p. 49). Ils s’appellent « biofertilisants », « activateurs de sol », « stimulateurs de croissance », etc., et sont vendus la plupart du temps sous le statut de fertilisants. Un rapport du ministère de l’Agriculture datant de 2015 estime le nombre de produits biostimulants sur le marché français à plus de 300. Ils contiennent diverses substances (bactéries, levures, champignons, extraits d’algues, éléments minéraux, protéines…) et ont pour but de stimuler les processus naturels afin d’améliorer l’absorption des nutriments par les plantes. Si certains biostimulants ont trouvé un marché en maraîchage et en horticulture, notamment dans les cultures sous serre, ils peinent à gagner le marché des grandes cultures. Et leur prix, parfois prohibitif, n’est pas le seul frein.
Un concentré des meilleures souches
Premier problème : les essais démontrant l’efficacité de ces produits sont encore peu nombreux. Et les résultats mesurés restent aléatoires. Ils dépendent des conditions de l’année, du potentiel et du type de sol, des pratiques culturales en matière de fertilisation et de travail du sol, ou encore de la diversité des cultures produites.
Second problème : dans un sol en bon état biologique, « un micro-organisme exogène ne reste pas plus que quelques jours avant d’être détruit », avise Lionel Ranjard, chercheur à l’Inra de Dijon. L’entreprise toulousaine Agronutrition, filiale du groupe De Sangosse, a peut-être trouvé une alternative. A partir d’un échantillon de sol prélevé par un agriculteur, le laboratoire de l’entreprise sélectionne et multiplie les meilleures souches de bactéries fixatrices d’azote. Une solution concentrée est ensuite renvoyée à l’agriculteur, qui la pulvérise sur les résidus pailleux de la parcelle d’où provient l’échantillon. Des essais dans le Sud-Ouest de la France ont montré que cette pratique permettait d’économiser 20 unités d’azote après un blé.
Effet starter
Outre l’assimilation de l’azote, c’est sur la biodisponibilité du phosphore que la recherche s’est engagée. La société Lallemand Plant Care, qui travaille sur les biostimulants depuis vingt ans, commercialise la souche Bacillus IT45, associée à des mycorhizes, sur maïs, céréales et légumes d’industrie. Cette bactérie stimule la croissance des racines et contribue à augmenter la solubilisation du phosphore. « Apporté sous forme de microgranulés sur maïs, ces produits peuvent se substituer au 18-46 pour un effet starter », précise Olivier Cor, responsable agronomique chez Lallemand.
Un essai réalisé en 2015 dans le Pas-de-Calais par le service belge du Carah (1) montre une augmentation significative de rendement lors d’un apport de ce produit au semis, en plus d’une fertilisation de 100 unités d’azote/ha : +1,34 tonne de matière sèche par hectare en maïs ensilage. Une diminution des reliquats azotés en sortie de récolte est également observée (- 37 %). L’impact de la souche bactérienne Bacillus IT45 sur le captage des éléments fertilisants est ici mis en évidence. En réduisant la fertilisation azotée, en revanche, l’effet sur le rendement est moindre.
Adopter une approche systémique
Arvalis a mis en place un réseau d’essais en vue d’évaluer certains produits revendiquant une stimulation de l’activité biologique des sols. Il montre que, pour le moment, « aucun produit testé ne génère de gain de rendement moyen significatif ». Lorsque ces produits étaient utilisés en situation de réduction de la fertilisation, la perte de rendement n’était « pas compensée par l’utilisation d’un activateur, quel que soit le produit évalué ».
Qu’elles viennent des instituts, centres de recherche, établissements privés ou groupes d’agriculteurs, il est certain que des expérimentations de longue durée sont à mettre en place. Cependant, les biostimulants ne doivent pas être considérés comme de simples produits de substitution dans un système conventionnel. Ils sont à intégrer dans des démarches d’innovation et de reconception des systèmes agricoles, dans lesquels l’agronomie occupe une place majeure.
(1) Centre pour l’agronomie et l’agro-industrie de la province de Hainaut.