Rêver de décrocher la Lune tout en restant les pieds sur Terre. C’est en quelque sorte le défi que viennent de relever six étudiants toulousains de l’Institut national des sciences appliquées (Insa) et de l’université Paul-Sabatier. Leurs recherches, visant à faire pousser des fruits et légumes sur le sol lunaire pourraient bien, en effet, trouver des applications sur Terre pour répondre à la sécheresse et au manque de rétention d’eau des sols.
Faire du sol lunaire un potager
Mais commençons par la Lune. « Dans l’éventualité de la création d’une base lunaire, qui est un projet de la Nasa, l’une des difficultés est la nutrition des astronautes, explique Laura Bezaud, étudiante en 4e année de génie biologique à l’Insa. Aujourd’hui, la solution proposée est de réaliser des allers-retours en fusée depuis la Terre, ce qui est un non-sens économique et écologique. »
D’où la volonté de tenter de faire du sol lunaire un potager. Mais il y a un gros hic : « Le sol lunaire est composé de régolithe, qui est pauvre en nutriment, ne contient pas d’azote ni de carbone et ne retient pas l’eau », résume-t-elle.
Leur idée a donc été de s’appuyer sur la bactérie Pseudomonas fluorescens (ou « fluorescence »), connue pour favoriser la croissance des plantes sur Terre, et déjà utilisée dans plusieurs biostimulants agricoles. « L’enjeu de notre projet Biomoon est de faire pousser cette bactérie sur un simulant de régolithe pour qu’elle puisse aider la plante à pousser », détaille Nathan Cabaret, étudiant en 4e année de génie biologique à l’Insa.
La source de nutriments qu’ils ont identifiée est la créatinine, naturellement présente dans l’urine humaine. L’obtenir à partir de l’urine des astronautes « n’est pas du tout le frein majeur de notre recherche », assure-t-il. Mieux : à l’heure actuelle, si l’eau et l’urée issues de l’urine sont valorisées dans l’espace, la créatinine reste un déchet.
Dans les mains du Cnes
Il ajoute donc : « Nous avons ingénieré la fluorescence pour qu’elle puisse assimiler la créatinine. » L’introduction de trois gènes pour parvenir à cette assimilation a eu des effets positifs : la plante ainsi soutenue s’est mieux développée, en meilleure santé. Restera une question essentielle dans l’espace : « La bactérie a besoin d’oxygène, qui est rare sur la Lune, admet Nathan Cabaret. Donc ça dépendra des priorités données aux futurs investissements. » Les résultats sont d’ailleurs désormais dans les mains des chercheurs du Centre national d’études spatiales (Cnes).
Mais leurs recherches peuvent également avoir un impact sur Terre. Sans avoir pu creuser leur idée plus avant, les étudiants envisagent de pouvoir transposer leur réflexion au domaine agricole, répondant à la problématique actuelle et future du manque d’eau. « On peut imaginer des bactéries qui peuvent produire une sorte de biofilm, qui recouvrirait les sols qui retiennent peu l’eau, indique Laura Bezaud. Cela rendrait l’arrosage plus efficace. » Leurs recherches autour de Pseudomonas fluorescens ont d’ailleurs déjà donné quelques pistes en la matière…