Comment vous êtes vous tourné vers cette problématique ?

Quand je travaillais au CNRS, je pilotais un projet européen appelé Concert’Eau. Il visait à développer une plateforme technologique collaborative pour aider les agriculteurs à changer leurs pratiques agricoles sans dégrader leurs revenus et d’avoir un impact moins important sur la ressource en eau.

Ça avait très bien fonctionné avec les exploitants qui avaient accepté de changer leurs pratiques, même s’ils y ont consacré beaucoup de temps. Pourtant, ils ont été coupés dans leur élan par l’Administration. J’ai voulu créer une société pour être auprès des opérateurs économiques.

Que faut-il prendre en compte dans un projet de méthanisation ?

Dans un projet de méthanisation, il n’y a pas que la technique, il y a aussi toute la partie relationnelle ! En tout, on retrouve trois dimensions : la première comprend les éléments techniques, l’aspect financier et réglementaire. Ensuite vient l’aspect relationnel, c’est-à-dire la relation que veut avoir l’agriculteur avec son territoire. Enfin, il y a la partie portage de projet. Soit, toute sa mise en œuvre. Le producteur souhaite-t-il un financement participatif ou un comité de suivi ? Veut-il se joindre à un projet déjà existant avec des externalités positives ? Ces trois éléments doivent être pris en compte.

Par où commencer ?

De nombreux projets de production d’énergie agricole suscitent des questionnements, y compris de l’opposition. Dans ce climat instable, il faut appliquer une méthodologie pour éloigner les craintes et faciliter l’adhésion du territoire au projet. Les énergies renouvelables à l’échelle nationale viennent assez facilement comme quelque chose de positif dans le discours. Quand on descend à l’échelle territoriale, on parle de ce qui va se passer autour de chez nous. C’est ce qu’on appelle les risques de voisinage. Il faut éviter de jeter à la face des gens des vérités, même si elles sont vérifiées d’un point de vue scientifique ou technique. Il faut accepter les émotions dans un premier temps et engager un dialogue sincère et ouvert, pour créer un climat de confiance. Les contre arguments scientifiques doivent venir dans un second temps.

Les monteurs de projets doivent aussi accepter de faire évoluer leurs plans. Il faut montrer qu’on est prêt à écouter sincèrement toutes les idées. Même si, pour finir, l’agriculteur qui reste le décisionnaire, en choisira quelques-unes. Au-delà de convaincre, l’agriculteur doit faire la démonstration que son projet ne sort pas de sa seule vision. Il doit montrer que son plan présente des avantages pour son exploitation mais également pour son territoire. Les avantages peuvent même s’étendre à d’autres problématiques telles que les gaz à effet de serre. Rien ne vaut le dialogue pour trouver de bonnes idées.

Pourquoi les gens voient les agriculteurs différemment ?

L’agriculteur doit prendre conscience de l’image qu’il renvoie. Lorsqu’on devient porteur de projet à connotation industrielle, on change de casquette et on est perçu complètement différemment. Et cela, même si l’exploitant vit sur son territoire depuis plusieurs générations. Dès lors qu’on entame un projet de méthanisation, les gens ne le « reconnaissent plus ».

Les agriculteurs doivent aussi récolter un ensemble d’avis techniques pour un bon démarrage. Sans oublier des conseils sur la meilleure façon de communiquer son projet sur son territoire. Je pense qu’il sera de plus en plus compliqué d’obtenir l’adhésion à leurs projets, s’ils ne surveillent pas la façon dont ils s’y prennent. D’un autre côté, ce sera de plus en plus facile grâce aux nombreuses possibilités d’accompagnements proposées par des associations, nombreuses en Bretagne, mais également des bureaux d’études et les sociétés existantes.