Les ministères en charge de l’Agriculture, de la Transition écologique et de la Recherche ont confié à la fin de 2019 à l’Inrae le pilotage de l'Esco RegulNat, afin d'évaluer l’efficacité des stratégies de protection des cultures fondées sur la diversification végétale (1). « Il s’agissait également d’analyser les freins et les leviers du déploiement des telles stratégies », ajoute le rapport.

Pour orienter les politiques publiques

« Ce type d’expertise est très attendu pour qu’on puisse conduire nos politiques publiques, a indiqué en introduction du colloque, Benoît Bonaime, directeur général de l’enseignement et de la recherche au ministère de l'Agriculture. Une Esco qui constitue la seconde partie de la réponse de la commande des trois ministères, la première étant Pesti-ecotox. »

« Elle s’inscrit dans l’objectif de fournir aux agriculteurs, et plus largement à l’ensemble des acteurs du monde agricole, des solutions concrètes, réalistes, pour leur permettre d’accomplir leur métier, c’est-à-dire produire et nous nourrir, a insisté le ministère. Ces travaux appellent donc à de nouveaux angles des recherches et d’investissement de la part du ministère, et du gouvernement en général, pour pouvoir activer tous les leviers et solutions qui pourront être fournis dans des reconceptions de systèmes. »

Régulation efficace des bioagresseurs

Ainsi, l’expertise « montre sans ambiguïté qu’augmenter le niveau de diversité végétale des parcelles et des paysages contribue efficacement à la régulation des bioagresseurs des cultures. Par ailleurs, les systèmes diversifiés présentent en moyenne de plus hauts niveaux de biodiversité associée et fournissent davantage de services écosystémiques à la société. »

Il ressort que la plupart de ces systèmes permettent d’atteindre des rendements plus élevés et/ou plus stables que les systèmes moins diversifiés (notamment en système bas intrants).

Ce gain est de l’ordre de quelques pourcents pour les mélanges variétaux et les couverts d’interculture en milieu tempéré, à plusieurs dizaines de pourcents en agroforesterie tropicale. Les rotations et les cultures associées présentent des gains de rendement intermédiaires. La présence de végétation semi-naturelle ne semble, quant à elle, pas avoir d’impact sur le rendement de la parcelle adjacente.

Nombreux verrous

"Toutefois, leur adoption est limitée par de nombreux verrous à tous les niveaux des filières agricoles en amont et en aval de la production", rapporte l'Esco.

"Ils peinent souvent à dégager une rentabilité à l’échelle de l’exploitation, notamment parce que les intérêts écologiques de la diversification végétale s’expriment sur le long terme, et en partie au-delà des limites de l’exploitation agricole (préservation de la biodiversité, contribution à l’atténuation du changement climatique, etc.)", ajoute le rapport.

Ainsi, si l’association de cultures et les mélanges variétaux ne semblent pas affecter la rentabilité de l’exploitation, l’absence de rentabilité vient généralement du fait que les nouvelles cultures introduites sont souvent moins rentables que celles initialement choisies par l’agriculteur. De même, l’implantation d’éléments semis-naturels n’est pas jugée rentable sans subventions, du moins à court terme.

Retombées de l'Esco

Au cours d'une table ronde, Cécile Claveirole, secrétaire nationale de France Nature Environnement a montré beaucoup d'intérêt pour le document. "Nous allons le faire circuler car cela va complètement asseoir notre plaidoyer avec des chiffres et démonstrations. Cela va être mine d'or pour confirmer tout ce que l'on dit depuis des années et montrer qu'on avait raison."

"Sans faire peur, comment fait-on concrètement pour que les agriculteurs prennent en compte une partie de l'Esco ? s'est questionné de son côté Philippe Noyau, président de la chambre d’agriculture du Centre-Val de Loire, à la présentation de ce rapport. Nous allons le décortiquer, échanger avec les régions et les départements. Mais on ne part pas de rien. Il y a énormément d'agriculteurs qui mélangent déjà des variétés. Et nous sommes tous à la recherche du meilleur assolement mais pour cela, il faut trouver des débouchés rémunérateurs avec les filières. Et sur la partie agroforesterie, contrairement à ce que dit le rapport, ce qui bloque pour l'instant c'est la gestion de la ligne d'arbre, à cause d'adventices qui "salissent" la parcelle."

(1) Mélanges variétaux, cultures associées, agroforesterie, rotation plus diversifiée, taille des parcelles, éléments semi-naturels…