Dans un communiqué paru le 15 février 2023, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a annoncé engager « la procédure de retrait des principaux usages des produits phytopharmaceutiques à base de S-métolachlore ». L’objectif est de « préserver la qualité des ressources en eau ».
Mais « la décision définitive est en cours », a précisé à l’AFP une porte-parole de l’agence. L’interdiction des principaux usages de ces désherbants ouvrirait un « délai de grâce » permettant la vente des produits pendant encore six mois et leur utilisation pendant douze mois, selon l’Anses.
Des produits à base de cette substance active herbicide sont à ce jour autorisés sur maïs, maïs semences, sorgho, sorgho semences, tournesol, soja.
Dépassements malgré les restrictions
Après un rapport publié par l’Anses en 2021, des restrictions dans les autorisations de mise sur le marché des produits à base de S-métolachlore avaient déjà été mises en œuvre. Les conditions d’application s’étaient durcies. Ces mesures ne semblent pas avoir été suffisantes. Les métabolites du S-métolachlore (ESA, OXA, NOA) « ont été fréquemment détectés à des concentrations dépassant les normes de qualité » fixées par l’Union européenne, rapporte l’Anses après expertise.
« Malgré la réduction des doses maximales d’application des produits », l’Anses pointe ainsi « un risque de contamination des eaux souterraines par les métabolites du S-métolachlore ».
Le S-métolachlore est un herbicide à action racinaire antigerminative de prélevée ou de postlevée précoce, utilisé sur des cultures de printemps telles que le maïs, le sorgho, le soja, le tournesol ou encore la betterave. En 2020, il est la sixième substance active la plus achetée en France en kg de matière active et le troisième herbicide après le glyphosate et le prosulfocarbe.
Une « restriction » à la capacité de production française
De leurs côtés, l’Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB), l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM), la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB), la Fédération des producteurs d’oléagineux et protéagineux (FOP) et l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) s’inquiètent du retrait successif « des molécules essentielles à la production agricole et au maintien des filières compétitives ».
« Après l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne interdisant totalement l’usage des néonicotinoïdes en enrobage de semences, […] c’est un herbicide majoritairement utilisé par les producteurs de grandes cultures qui est menacé d’interdiction », indiquent-elles dans un communiqué conjoint du 15 février 2023.
Pour ces associations, la menace qui plane sur le S-métolachlore s’ajoute à une longue liste de produits retirés aux agriculteurs et restreint fortement leur capacité de production alors que la question de la souveraineté alimentaire est au cœur des préoccupations actuelles.
En outre, la procédure engagée par l’Anses intervient alors que la procédure européenne de réexamen de l’autorisation de mise sur le marché du S-métolachlore est toujours en cours. Les associations déplorent ainsi le décalage avec le calendrier européen.
Selon elles, ce décalage va provoquer une nouvelle situation de surtransposition réglementaire et donc des distorsions de concurrence avec les autres États membres. « Si le recours au désherbage mécanique est dans certains cas envisageable en substitution, son usage n’est pas possible pour tout type de culture », soulignent-elles.
L’ensemble de ces associations appellent donc l’Anses à inscrire son action conjointement avec les autorités européennes afin d’éviter toute concurrence déloyale entre les agriculteurs français et européens.