Avant même d’avoir débuté, la formation fait déjà débat. D’une durée de 77 heures, elle sera animée par six intervenants. Trois seront des chercheuses de Rennes 2, et les trois autres seront des intervenants extérieurs. « Une configuration classique », souligne Emilie Dardenne, maîtresse de conférences en anglais, et responsable de ce diplôme universitaire.
Ce sont les trois derniers intervenants qui ont suscité le mécontentement. Il s’agit d’Élodie Vieille Blanchard, docteure en histoire des sciences et présidente de l’association végétarienne de France, de Dominic Hofbauer, éducateur chez L214, et enfin d’Airelle Moreau, avocate chez One Voice, une association qui « combat pour la reconnaissance du statut de personne animale ».
Un diplôme d’antispécisme ?
Ce casting a poussé Marc Le Fur, député des Côtes-d’Armor, à dénoncer auprès de l’AFP « des enseignants qui sont d’abord des militants ». Selon Éric Le Prince, communicant spécialiste des questions agricoles en Bretagne, il s’agirait même « d’une véritable provocation. C’est avant tout un acte de communication pour L214, qui veut promouvoir l’antispécisme en France. »
Emilie Dardenne, responsable de la formation, se défend de tout projet idéologique. « Nous n’avons pas de volonté de modifier les comportements. Nous voulons simplement transmettre des savoirs. Si des organisations de protection animales interviennent, c’est parce qu’ils ont une expertise de terrain que nous n’avons pas. »
Et pour expliquer pourquoi ni les éleveurs, ni la filière, n’ont été sollicités, Emilie Dardenne rappelle qu’il s’agit d’un diplôme de sciences humaines et sociales. « Nous ne sommes pas dans le domaine de la zootechnique, d’autres diplômes existent pour cela, à l’Agrocampus notamment », estime la responsable de la formation.
Animal studies
Le nouveau diplôme ne vise effectivement pas à parler du bien-être animal dans les fermes, mais à diffuser plus largement le concept des « animal studies » (1), c’est-à-dire des études animales à l’anglo-saxonne. En puisant dans la sociologie, la philosophie, les arts ou les études juridiques, ce courant intellectuel interroge les rapports anthropozoologiques. En clair : la manière dont l’homme se positionne face à l’animal. Il s’agira, notamment, de comprendre au nom de quels concepts l’espèce humaine utilise les autres espèces animales pour se nourrir.
Emilie Dardenne a résumé ce jeune courant qu’elle souhaite populariser lors d’une conférence donnée en mars dernier, à l’invitation d’une association étudiante antispéciste. « Les études animales sont associées à une idée d’émancipation ou à un idéal de justice. Les chercheurs et les chercheuses qui s’inscrivent dans ce champ ont à cœur de contribuer à améliorer la condition animale. »
Des outils pour le débat
Parmi les futurs étudiants, on trouvera bien des personnes travaillant dans le secteur de l’élevage, aux côtés d’enseignants, et de membres d’association de protection de l’environnement ou des animaux. « La formation est ouverte à tous types de publics », assure Emilie Dardenne.
Dominic Hofbauer, éducateur en éthique animale chez L214, sera responsable de l’un des cinq modules prévus : « Éducation et sensibilisation : mise en pratique ». Passé par Welfarm, il proposera, en sept heures de cours, un panorama international des mouvements de protection animale. Une intervention qu’il souhaite descriptive avant tout. « En éthique animale, on tente, à partir de fait, de poser les bonnes questions, et d’offrir des outils pour créer un débat philosophique apaisé », souligne Dominic Hofbauer.
Pas question, donc, de promouvoir les actions violentes qui ont suscité la colère du milieu agricole ces derniers mois. « Je regrette ces comportements extrêmes. Nous resterons ici dans le rôle de l’université, en proposant une réflexion autour de l’éthique animale comme une véritable question de société », promet l’éducateur.
(1) Pour mieux comprendre les concepts de l’éthique animale et des « animal studies », Emilie Dardenne cite le livre de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer : L’éthique animale, Que sais-je ?, PUF, 2018, 128 p.