C’est à Tokachi, au cœur d’Hokkaido, le bassin laitier japonais, qu’Hikaru Sumikura, 35 ans, gère la ferme fondée par ses parents en 1978. Seul maître à bord depuis l’an dernier, il exploite désormais 220 hectares, 150 ha de prairies et 70 de maïs, pour nourrir ses 700 animaux dont 340 vaches à la traite. « Sur Hokkaido, la moyenne est de 100 vaches à la traite. Mais à Tokachi, il existe de très gros élevages jusqu’à 1000 vaches, mais aussi des petits comme celui de ma sœur Madoka qui en trait 50. »
Hikaru a passé un an et demi aux Etats-Unis avant de s’installer. Alors que la moyenne d’âge des agriculteurs japonais flirte avec les 67 ans, il estime que l'un des plus gros souci dans son métier d'éleveur est la main-d’œuvre. Il est notamment contraint de sous-traiter la culture et la récolte de ses fourrages.
Veaux de race wagyu
« Outre le lait, nous produisons également des veaux de race wagyu pour la viande », explique l’éleveur. L’embryon et la transplantation coûtent entre 40 000 et 50 000 yens (de 250 à 315 €) et le mâle d’un mois est revendu 500 000 yens (3 150 €). Au Japon, cette production bénéficie d’aides en fonction de la taille de l’élevage : « Le gouvernement prend en charge la moitié du coût de l’embryon avec un maximum par exploitation. Je pourrais ainsi monter jusqu’à 102 embryons par an. Je produis deux de ces veaux par mois, mais je vais augmenter. »

Avec une équipe de neuf salariés dont trois mi-temps, Hikaru peine à disposer d’assez de personnel. Il fait appel à une entreprise pour gérer l’administratif relatif à ses salariés et ses stagiaires étrangers, chinois et indonésiens notamment. Par ailleurs, il a fait le choix de la technologie, des capteurs de détection des chaleurs à la robotisation. « Nous avons quatre robots de traite pour 240 vaches. Pour l'instant, nous sommes en surcapacité. Nous trayons une centaine de vaches en salle de traite : les fraichement-vêlées et celles qui ne sont pas adaptées au robot, pour leur conformation ou leur comportement », détaille l’éleveur.
Le bâtiment des vaches laitières, ouvert sur un parcours extérieur, est équipé d’un robot pour repousser la ration sur la table d’alimentation. Un salarié est affecté à l’alimentation des animaux. La ration se compose de fourrages de l’exploitation, de tourteaux de soja et de coproduits agroalimentaires dont la région ne manque pas. Sans oublier les concentrés de production au robot.
Explosion des coûts
« Pour les veaux, nous avons construit un second bâtiment équipé d’un robot d’alimentation il y a trois ans. Les génisses y restent en groupe, de deux à quatre mois, avant de rejoindre le bâtiment d’élevage qui leur donne accès au pâturage. C’est un investissement de 3 millions de yens (près de 20 000 €) qui épargne du temps de salarié », explique le jeune patron.

Il voudrait monter à 500 vaches traites pour trouver un équilibre financier durable. En effet, le prix du lait n’a pas assez monté depuis la mi-2021 pour couvrir la hausse des frais, même s’il devrait progresser de 10 % à l’automne. « Nous avons connu une explosion des coûts », constate l’éleveur. La situation mondiale est critique dans ce pays très dépendant des importations : pour la seule nutrition animale (toutes espèces confondues), le pays importe 13,5 Mt de céréales, 3,6 Mt de soja et 2 Mt de foin chaque année. Pour s'en sortir, l’éleveur vient d’installer des panneaux solaires destinés à son autoconsommation. « L’an prochain, si j’obtiens le financement, je construirai une station de biogaz », espère Hikaru. Il y en a peu par ici, mais il espère ainsi produire de l’énergie et valoriser ses effluents, actuellement traités en séparation de phase et épandus sur ses terres.