« Le monde vit au jour le jour sur les tweets de Donald Trump », s’amuse Philippe Chalmin, en inaugurant la conférence de presse consacrée au rapport Cyclope 2019 sur les marchés des commodités.
Cette analyse se vérifie effectivement sur la plupart des marchés, mais plus particulièrement sur celui du porc. Car c’est bien l’attitude belliqueuse du président américain qui conduit aujourd’hui la Chine à se tourner vers de nouveaux fournisseurs, pour répondre à l’épidémie de peste porcine dans le pays.
5 ou 15 millions de tonnes ?
« Les maladies animales sont une caractéristique historique et structurent les marchés de la viande », rappelle de son côté Jean-Paul Simier, analyste au Crédit Agricole et rédacteur de la partie du rapport portant sur ce secteur. Pour lui, il s’agit d’être « très prudent » sur les statistiques chinoises concernant le porc.
L’incertitude, en effet, reste grande. « On entend parler de 10 à 30 % de perte sur une production chinoise annuelle de 55 millions de tonnes », rappelle Jean-Paul Simier. En termes absolus, ce seraient donc 5 à 15 millions de tonnes de viande porcine que les Chinois pourraient aller chercher sur les marchés extérieurs, en contournant les États-Unis.
« On parle d’un volume oscillant entre la production annuelle de l’Allemagne, et celle de toute l’Amérique du Nord », souligne Jean-Paul Simier. Même dans les prévisions les plus basses, cette demande serait donc susceptible de faire véritablement flamber les cours.
Burgers pour tous
La question demeure de savoir si la Chine importera bien l’intégralité du déficit attendu. Des phénomènes de substitution vers la volaille, ou même la viande bovine paraissent probables. Le porc est devenu moins populaire en Asie en raison de la crise sanitaire, mais les habitudes alimentaires d’une classe moyenne émergente pourraient amplifier le phénomène.
Structure du marché international de la viande. © Cyclope, d’après la FAO
« Le bœuf est souvent considéré comme une viande distinctive socialement », écrit Jean-Paul Simier dans le rapport Cyclope. L’apparition d’une nouvelle classe sociale aux revenus plus élevés au Vietnam, en Malaisie, aux Philippines mais également en Indonésie, à Singapour ou à Hong Kong, pourrait ainsi bouleverser la demande mondiale.
La peste porcine africaine représenterait donc une bonne nouvelle pour les éleveurs de bovins viande. « Le Brésil devrait rester le premier exportateur mondial [de bœuf] malgré ses ennuis sanitaires, mais soutenu par un réal faible. L’Inde restera en tête des exportateurs mondiaux », prévoit Jean-Paul Simier dans le rapport. La France, toutefois, ne serait pas en reste, avec, comme le prévoit le rapport, « un potentiel de 30 000 tonnes de bœuf exporté vers la Chine ».