La campagne présidentielle est lancée et les programmes commencent à sortir. Interrogé sur ses premières mesures (1), le candidat écologiste répond : « J’engagerai la sortie de l’élevage industriel. Il faut interdire l’élevage en cage. » Une mesure approuvée par une très grande majorité des Français. Le bien-être animal est même devenu une valeur européenne au même titre que les droits de l’homme. De là à faire de l’élevage des poulets une urgence absolue, c’est une question. Cependant, il y en a bien d’autres.
Car toute initiative dans ce domaine a un coût qui se répercute à l’arrivée. Les consommateurs, s’ils sont rationnels, doivent être prêts à payer plus cher leur blanc de poulet. Le sont-ils tous ? Car il n’y a pas que le consommateur individuel, sensible à la photo des poules gambadant dans l’herbe verte. Il faut aussi prendre en compte l’avis des gestionnaires de cantines scolaires et des restaurants universitaires qui préparent des milliers de repas et qui ont un budget à tenir. Et celui de l’industrie agroalimentaire qui met du poulet par milliers de tonnes dans ses nuggets, ses plats cuisinés et qui rogne sur chaque centime. Il y a, enfin, le marché oublié de ce qu’on appelle en boucherie le cinquième quartier, ce qui reste après la découpe : les abats, les pieds… Des morceaux délaissés en France (priorité aux filets) pourtant qui ont des amateurs dans d’autres régions du monde, en Chine par exemple, importatrice de pattes et d’ailerons. On peut penser que les Chinois seront plus sensibles au prix qu’à l’argument des poules de plein air.
Le risque existe de voir se fermer des marchés cruciaux pour l’équilibre économique de la filière. Ainsi, au moment de la crise du porc, les pouvoirs publics parvinrent mi-2015 à un accord entre syndicats agricoles, transformateurs et distributeurs sur un prix minimal d’achat (1,40 € le kg). L’engagement fut pris et tenu. Un beau succès. Mais six mois plus tard, les industriels se sont aperçus qu’ils ne vendaient plus rien à l’export. Et on a oublié l’accord.
(1) Dans le Journal du dimanche (JDD) du 3 octobre 2021.