Face au commissaire européen au Budget, Günther Oettinger, évoquant une coupe de 5 à 10 % dans le budget de la Pac après 2020, les députés de la commission agricole du Parlement européen, réunie ce mercredi 21 février 2018 à Bruxelles, ont vivement réagi.

Une politique fondamentale

Sans nier l’importance des nouvelles priorités de l’Union (migrations, lutte antiterroriste…), l’eurodéputé français Éric Andrieu rappelle que la souveraineté et la sécurité alimentaire étaient également fondamentales. Évoquant la transition agricole nécessaire pour répondre aux enjeux de la santé, de l’écologie et de l’emploi dans les territoires, « si les moyens ne sont pas au rendez-vous, ce sera très difficile », prévient-il.

 

Pour Maria Linda Senra Rodriguez, députée espagnole, « dans le contexte actuel il est inacceptable de faire des coupes dans le budget de la Pac », même si elle souhaite « une nouvelle répartition » et un plafonnement des aides. Elle souligne également qu’avec davantage de politiques en faveur de la régulation et de prix rémunérateurs, « nous aurions moins besoin d’aides publiques ».

Des conséquences dramatiques

Martin Hausling, député allemand, s’inquiète de la répartition des coupes entre premier et second piliers et se prononce en faveur d’un meilleur ciblage des aides du premier pilier pour préserver la biodiversité, le climat et l’emploi, « afin de mieux défendre cette politique devant nos concitoyens ».

 

« Tout ce que vous avez dit, pour moi, c’est du blablabla », attaque le député français Philippe Loiseau, qui ne voit « que des réductions » et prédit « des conséquences dramatiques sur les agriculteurs de plusieurs pays dont la France ». En effet, contrairement à d’autres aides publiques, les aides de la Pac ne sont pas qu’un soutien à une activité mais un « soutien au revenu de l’individu », ajoute à son tour Michel Dantin.

Le contenu avant les moyens

De nombreux autres députés européens ont pris la parole pour souligner l’importance de la Pac non seulement pour les agriculteurs, mais aussi pour les consommateurs à qui elle offre l’accès à une alimentation saine, abordable et de qualité. Ils mettent aussi en avant la transversalité de cette politique publique qui a un impact sur l’environnement, la santé et l’emploi dans les territoires. Il faudrait d’abord définir le contenu de la Pac avant d’en définir les moyens, estiment plusieurs d’entre eux.

La balle aux États membres

Pour tenter de rassurer, le commissaire Oettinger rappelle son attachement à la Pac et son opposition à toute renationalisation. Le cofinancement du premier pilier par les États membres, notamment, entraînerait selon lui « des distorsions de concurrence et davantage de bureaucratie ». Quant à maintenir le budget, il renvoie la balle aux États membres, qui doivent accepter d’augmenter leurs contributions au budget de l’Union européenne pour compenser le Brexit et prendre en charge ses nouvelles priorités. « Plus vous me citerez de gouvernements qui sont disposés [à le faire], mieux je me porterai », assure-t-il.

Faire le moins de dégâts possible

En attendant, le Commissaire juge « raisonnable » le scénario de 5 à 10 % de baisse, correspondant à une compensation du Brexit pour moitié par des coupes budgétaires et pour moitié par de nouvelles ressources. « Et si on nous confie de nouvelles missions, les États membres doivent injecter 80 % de nouvelles liquidités pour les financer », estime-t-il. Quant à choisir où faire les coupes qui resteront nécessaires, le commissaire souhaite « s’appuyer sur les compétences » du Parlement pour « faire le moins de dégâts possible ».