Le grand-père de Mauricio Soler Escobar a acheté la propriété en 1942 : 1 000 ha de marais, le long du fleuve Guadalquivir, à 50 km de Séville. Sa spécialité était l’élevage de taureaux de combat et de chevaux cartusiens. Pionnier, il s’est ensuite lancé dans la culture du riz. Jusqu’à 300 ouvriers travaillaient pour lui. La vie sur place s’est organisée : un véritable village aux murs blancs bordés de jaune ocre et aux toits de tuiles rouges est sorti de terre. « La grande époque », sourit le petit-fils. Soixante-dix ans plus tard, Mauricio a repris la Finca Isla Minima de Escobar, après des études en Angleterre.
100 % mécanisé
L’exploitation, divisée entre cousins, s’étend désormais sur 600 ha irrigués exclusivement consacrés à la culture du riz. Le maximum de tâches est mécanisé et Mauricio n’emploie que douze salariés permanents. En août, pour arracher les mauvaises herbes des parcelles, 20 saisonniers prêtent main-forte.
Mauricio cultive du riz non OGM, pour moitié de la variété Japonica et pour l’autre du riz Indica, avec des rendements de près de 10 t/ha. Avant les semis en mai, les terrains entourés de canaux sont nivelés au laser. « Le niveau parfait du sol est la clé de la réussite », insiste Mauricio. Comme ses 1 000 collègues riziculteurs de la région qui se partagent 36 000 ha, il pratique une agriculture raisonnée. Depuis 1998, la province impose des réductions de phytosanitaires. Le plan a dépassé les espérances, avec une baisse de 60 % en dix-sept ans.
500 € d’aides Pac/ha
Il y a une seule récolte de riz par an, qui s’étale sur 22 jours à partir de la mi-octobre. Les 6 000 t de riz récoltées sont séchées et stockées en silo, sur place. Toute la production est vendue au trader Herba Ricemills, à un prix moyen de 300 €/t, soit un chiffre d’affaires de 1,8 million d’euros. Mauricio dévoile ses comptes : pour 3 000 € de produit par hectare (10 t/ha x 300 €/t), il compte 1 700 €/ha de charges de production en moyenne. L’électricité est un gros poste : les trois pompes qui alimentent les canaux d’irrigation sont fort consommatrices. L’exploitation reçoit environ 500 €/ha d’aides Pac, soit une marge de 1 800 € par hectare de riz (3 000 - 1 700 + 500).
Mauricio a le sourire : il vient d’acquérir 50 ha supplémentaires, à 35 000 €/ha. Il construira l’an prochain de nouveaux silos, financés à 80 % par l’Europe.
À côté des hangars modernes de l’exploitation demeure le village fantôme, au charme désuet, où les cloches et les cris ne troublent plus le silence des marais. Seules des centaines d’oiseaux et des cigognes blanches animent la place. Mauricio a réaménagé quelques bâtisses, dont un hôtel pour loger les touristes passionnés d’ornithologie. La « grande époque » ne renaît qu’occasionnellement, lorsqu’il loue des salles pour des séminaires ou des réceptions.