Guillaume Le Bian, 26 ans, devait s’installer en septembre en rejoignant son père, Serge, sur la ferme familiale à Carantec (Finistère) avec un projet de 30 000 poules pondeuses en plein air. Il n’en est rien. « Mon installation est au point mort », explique-t-il, désabusé. Il a pourtant validé son parcours à l’installation, décroché les accords bancaires. Situé en zone littorale, son projet a aussi reçu l’avis favorable de la commission des sites à l’unanimité, et obtenu le 18 mai un permis pour construire un bâtiment de 3 800 m².
C’était sans prendre en compte un groupe d’opposants. En avril, les exploitants ont organisé une réunion publique d’information. Pollution de la baie de Morlaix, montagnes de fientes, nuisances olfactives, sonores… Ils ont eu le droit à un lynchage public par des détracteurs qui craignent une perte de valeur de leur maison ou résidence secondaire. « Qu’ils se posent des questions étaient légitimes. Nous dire comment faire, beaucoup moins », analyse Serge.
Ensuite, tout s’est enchaîné : articles dans la presse locale, coups de fil anonymes, intrusions permanentes sur le terrain. Une association est créée : « Carantec pour tous ». Vingt-six opposants ont déposé un recours gracieux contre le permis de construire. La période estivale, qui voit la population de la petite station balnéaire quadrupler et atteindre 12 000 habitants, a été « invivable » pour la famille Le Bian. L’association a affiché des banderoles hostiles à tous les coins de rue et ronds-points de la ville. Déguisés en poules, les opposants ont passé leur été à distribuer des tracts sur les marchés. Pour ne pas envenimer la situation, la famille se tait. Soutenue par la profession agricole, elle préfère réagir en organisant une action positive sous forme d’une omelette géante, qui a réuni près de 1 000 personnes le 9 septembre dernier.
« Tu vas penser au suicide »
À Carantec, on ne parle plus que de ça. Tous les matins, les exploitants craignent un nouvel article dans le journal ou d’être dévisagés lorsqu’ils vont faire une course. Guillaume reçoit deux lettres anonymes. La violence des propos de la deuxième lettre : « Tu vas penser au suicide », incite la profession agricole à rompre le silence et à la publier avec son accord. Elle est dans les mains du procureur de la République. Les opposants ont fait part de leur volonté de porter l’affaire au contentieux administratif. Histoire de gagner du temps et de décourager Guillaume. « Il y a des jours où l’on songe à jeter l’éponge. Mais baisser les bras, c’est leur donner raison », affirment les exploitants, bien décidés à aller jusqu’au bout.