Flambée des prix des carburants, du fioul, envolée historique de ceux du gaz, hausse dans la foulée de celui de l’électricité… L’automne nous confronte à un véritable choc énergétique que personne n’a vraiment anticipé et qui menace de faire dérailler l’économie tout entière. Ironie du sort, la faute reviendrait principalement à la reprise économique mondiale post-Covid ! À la pompe, le diesel a ainsi battu un record, 1,558 €/l, dépassant le niveau de 2018, qui avait provoqué la crise des gilets jaunes. Dans son sillage, le GNR des engins agricoles a pris 30 centimes en trois mois, atteignant 1 €/l pour de petites livraisons de 1 000 litres (lire en page 16).
Face à une situation potentiellement explosive sur le plan social, le gouvernement cherche comment éteindre l’incendie pour les particuliers. Mais les entreprises commencent aussi à lever le doigt. Il a dégainé en guise de « sauve-qui-peut » quelques amortisseurs dont on tarde à connaître tous les détails et réfléchit à d’autres dispositifs temporaires. Il en est ainsi du fameux « bouclier tarifaire » pour le gaz et l’électricité, qui consiste, respectivement, à geler jusqu’en avril le tarif réglementé et à plafonner à 4 % la hausse prévue en février. Pour le gaz, il ne s’appliquera pas à tous les foyers français, loin de là, puisque moins de 30 % seraient concernés. En fait, plus que d’un blocage, il s’agira pour le consommateur d’un lissage de trésorerie sur l’année.
En début de semaine, le ministre de l’Économie s’est dit favorable à un « chèque carburant », sur le modèle du « chèque énergie » déjà attribué, sous conditions de ressources, à près de 6 millions de ménages, et qui vient d’être revalorisé. Mais il affirme avoir des difficultés à définir les critères d’éligibilité, ce qui a pourtant été fait dans une région depuis 2016. Pas question en revanche de toucher à l’obscur dispositif de taxes sur les carburants où, rappelons-le, chacun paie une TVA… sur la taxe, en l’occurrence sur la TICPE (ex-TIPP), celle-ci comprenant aussi une partie de taxe carbone. C’est dire si le dispositif est lisible !
Fin de mois contre fin du monde, c’est le dilemme actuel à l’heure du discours officiel, omniprésent, sur la transition énergétique. Cela montre combien il est difficile de se passer des énergies carbonées, surtout quand elles concernent des dépenses dites « contraintes », comme les déplacements ou le chauffage, et que les alternatives ne sont pas suffisamment démocratisées ou probantes. On pense en particulier aux véhicules électriques, à leur cherté – malgré les aides –, à leur faible autonomie, au manque de prises de rechargement sur le territoire.
À l’occasion de cette crise, on voit que l’État peut être amené à contredire ce qu’il prônait la veille en matière de transition, de taxation du carbone et d’urgence climatique. Peut-on pour autant le blâmer quand on connaît le traumatisme qu’a créé au sein de l’exécutif la crise des gilets jaunes et les risques bien réels d’une nouvelle explosion sociale ?