La crise laitière ravage la filière en Finlande depuis la mise en place de l’embargo russe en 2014. Pourtant, Kati Saarinen, 41 ans et son mari, Marko Räsänen, 40 ans, s’estiment chanceux. « Nous exerçons ensemble le métier que nous avons choisi et nous passons du temps avec nos deux garçons de six ans, se réjouit la jeune femme. Financièrement, nous nous en sortons mieux que la plupart des éleveurs car nous avons investi au bon moment. » Avec 50 000 € de revenus par personne avant impôt, les deux exploitants gagnent plus que la moyenne (environ 25 000 € par personne) depuis l’effondrement des prix en 2014.

D’un élevage de 30 vaches transmis par les parents de Kati en 2007, le couple a bâti une exploitation moderne. Celle-ci compte désormais 190 vaches (50 % ayrshire, 50 % holstein) alors que la moyenne en Finlande est de 40 vaches par exploitation et que les projections à cinq ans tablent sur 70 à 80 vaches après la disparition de la moitié des élevages. « Nous avons agrandi les bâtiments, mais aussi investi dans trois robots de traite Lely. Ces nouveaux équipements, un environnement meilleur et l’attention que nous portons au bien-être animal nous ont permis d’améliorer les rendements », estime Kati Saarinen. Au total, plus de 2 millions d’euros ont été investis en dix ans dans l’exploitation (dont 670 000 € de subventions). « Notre chance, c’est d’avoir engagé les investissements avant la crise. Les trois bonnes années, dont nous avons bénéficié avant 2014, ont donné confiance aux banques. Cela facilite les relations maintenant, même si la durée de retour sur investissement est plus longue que les douze années initialement prévues », se félicite l’éleveuse. Le lait est collecté par le groupe coopératif Valio, comme 85 % des volumes en Finlande.

La jeune femme s’occupe des bêtes, tandis que son mari, également issu d’une famille d’agriculteurs, gère les cultures végétales (orge, blé, fèves, herbe). Les 500 hectares dont 370 sont loués, assurent l’autonomie fourragère de l’élevage et permettent de compléter les revenus. La production d’environ 250 ha est dédiée à l’alimentation animale et le reste est vendu à l’extérieur. Et 21 ha sont réservés au pâturage, pour les vaches taries et les génisses.

Une météo cruciale

« Nous achetons toujours des tourteaux de colza et des minéraux pour complémenter l’alimentation. Cette année, il nous faudra plus de compléments que d’habitude, prévoit Marko Räsänen. L’été a été exceptionnellement froid et la récolte catastrophique en Finlande. Nous avons assez en quantité, mais la qualité n’est pas au rendez-vous, c’est pourquoi nous devrons acheter des concentrés. » L’alimentation est gérée en ration complète.

La Finlande revendique l’activité agricole la plus au nord du monde. Ici, la brièveté de l’été affecte les rendements et le froid gèle les sols une partie de l’année. « Les vaches supportent bien le froid. Nous n’avons donc pas de chauffage dans les étables, contrairement à ce qui se fait pour les porcs par exemple, explique Kati Saarinen. Nous chauffons juste les pièces où circule du lait. Avec du chauffage électrique pour les veaux, et en récupérant la chaleur du lait dans la salle de traite quand c’est nécessaire. Je vois même le vent glacial comme un atout, car il stoppe la diffusion des maladies ! »

Kati et Marko emploient deux salariés à plein-temps et deux stagiaires en été. Pour l’avenir, ils n’envisagent pas de nouvelle expansion. D’ici à cinq à six ans, ils comptent séparer les ayrshires des holsteins. « Nous n’avons de pas croisements. Je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi. Disons que j’ai eu l’intuition que c’était la bonne chose à faire ici, sourit Kati Saarinen. Séparer les deux espèces permettrait d’affiner l’alimentation. En revanche, avoir plus de bêtes alourdirait la charge de travail pour des résultats pas forcément meilleurs. » Pour le couple, la vie de famille constitue une priorité. « Nous travaillons déjà beaucoup et nous voulons passer du temps avec nos enfants. Pour séparer le travail de la vie en famille, nous habitons d’ailleurs à 500 mètres de la ferme, », explique la jeune femme.